vendredi 29 mars 2024

La Fédération, acteur engagé dans le suivi de la migration des civelles

Poisson autrefois abondant, l’anguille européenne est aujourd’hui classée comme « en danger critique d’extinction » par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Sa population fait l’objet de suivis poussés en France et en Europe.

La Fédération de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de la Gironde porte depuis 2008 un programme de suivi de la migration des civelles et anguilles sur le bassin versant des lacs médocains. Ce territoire exceptionnel de marais et lacs, en bordure d’océan se transforme alors avec l’arrivée des jeunes anguilles en véritable nurserie !

Les anguilles scrutées dans nos rivières

Les civelles ou pibales sont en fait de très jeunes anguilles (Anguilla anguilla) qui arrivent sur les côtes européennes. Elles entament une migration vers l’amont ou montaison, irrésistiblement attirées par les eaux douces. Espèce emblématique en Gironde et sur toute la façade atlantique, l’anguille a subi un déclin majeur depuis les années 80. Elle est dite amphihaline car elle réalise une partie de son cycle de vie en mer (reproduction, migration des larves et des géniteurs) et une autre en eau douce (grossissement et migration des juvéniles et des adultes). Et c’est dans ces eaux douces continentales qu’elle est suivie plus particulièrement par les gestionnaires et scientifiques notamment dans le cadre du Plan de Gestion Anguille français (PGA) qui découle lui-même d’un règlement européen.

Sa proximité avec l’océan ainsi que ses marais, cours d’eau et étendues d’eau, font du bassin versant des Lacs médocains, un territoire remarquable pour accueillir les jeunes anguilles et les voir grandir. Le canal des étangs nommé canal du Porge au sud, est donc un axe clé pour permettre l’accès des civelles et anguilles jaunes aux vastes zones d’accueil et de grossissement de l’amont.

Canal du Porge en dessous du Lac de Lacanau

Des civelles qui montent qui montent !

Sur le canal au niveau d’une écluse située sur la commune du Porge, la Fédération suit pendant six à sept mois de l’année, de janvier à fin juillet, les remontées des poissons sur une station de suivi biologique équipée d’une passe à anguilles. L’objectif principal est de récolter des indicateurs d’abondance et de qualité des anguilles en migration pour mieux gérer l’espèce et suivre l’état de sa population.

Les civelles et anguillettes arrivant au droit de l’écluse, empruntent une rampe spécifique équipée d’un substrat rugueux permettant leur reptation et rendant possible le franchissement de l’obstacle. Ce tapis brosse est alimenté en eau par une pompe. Les anguilles en haut de rampe tombent alors dans un vivier et le personnel de la Fédération intervient tous les 1 à 7 jours selon l’activité migratoire pour relever le piège et réaliser un suivi des quantités et de la qualité des poissons.

Rampe de la passe à anguilles

Amas de civelles sur la rampe

Toutes les anguilles sont capturées, triées selon des tamis de mailles différentes afin d’identifier des lots homogènes de taille et de poids. Ces lots sont alors pesés puis un échantillon de chaque lot est prélevé puis endormi pour la réalisation de la biométrie. Des informations sont alors relevées à chaque visite :

  • Poids de l’échantillon
  • Mesure de la taille des anguilles endormies
  • Vérification de l’état de santé externe du poisson
  • Stade pigmentaire pour les civelles
  • Température de l’eau et de l’air
  • Hauteur d’eau en pied de passe
  • Conditions météorologiques

Civelle transparente

Anguilles jaunes et civelles en cours de pigmentation

Ces mesures permettent d’estimer les effectifs totaux au cours de la saison et aussi de suivre les facteurs influençant la migration pouvant expliquer des variations dans les passages et les quantités.

Après mesure et réveil, les anguilles sont relâchées en amont de l’écluse. Elles vont pouvoir remonter le canal en empruntant plusieurs passes et coloniser les habitats en amont pour y grandir.

En termes de résultats, les civelles de l’année sont majoritaires par rapport aux petites anguilles jaunes avec plus de 90 % des effectifs d’une taille de 7 cm environ. Les individus les plus grands, beaucoup plus rares dépassent à peine 20 cm.

Les arrivées de civelles sont fluctuantes au cours de la saison. Les anguilles sont observées sur le site dès l’atteinte d’une température de 10- 11°C dans l’eau (autour de février-mars), décalant ainsi leur arrivée par rapport à l’aval du canal (dès le mois d’octobre de l’année d’avant). Cela s’explique par le fait que les civelles doivent rentrer en nage à contre-courant et non plus se laisser porter par la marée. Les anguilles jaunes elles aussi diminuent leur activité en saison froide et ne reprennent leur nage et migration qu’avec des températures plus clémentes. Le débit est aussi un facteur stimulant la montaison des poissons. En cas de sécheresse, l’appel d’eau douce s’amoindrit et l’activité de migration des anguilles est à la fois moins stimulée mais aussi réduite (avec parfois des difficultés d’accès aux aménagements). Un autre point remarquable, plus les anguilles sont nombreuses plus elles sont « poussées » dans leur montaison (effet densité dépendant).

Depuis 2013 où un maximum avait été observé, les effectifs étaient à la baisse. Mais ils sont à nouveau en train de remonter depuis 2017. En 2018 les conditions hydrologiques favorisent l’activité de migration et les anguilles sont donc au rendez-vous.

Petite anguille deviendra grande…

Après leur montaison, puis leur croissance pendant plusieurs années allant de 3 à 18 ans, les anguilles se métamorphosent à nouveau et deviennent des anguilles argentées. Elles entament une dévalaison du canal et iront rejoindre l’océan pour une grande migration transocéanique en direction de la Mer des Sargasses au large de la Floride pour atteindre leur zone de reproduction.

Anguille jaune au-dessus et anguille en cours d’argenture en bas

Les lacs médocains contribuent ainsi à la production de futurs géniteurs de qualité qui vont grossir les rangs des anguilles reproductrices. La Fédération appuyée d’autres partenaires comme le SIAEBVELG, MIGADO et IRSTEA, va entamer en 2018 un suivi de ces anguilles argentées sur le canal.

Pour plus de détails sur le suivi, vous pouvez visionner un petit film en cliquant ici !

Les partenaires financiers du programme :

Crédit photos : FDAAPPMA 33 et Laurent Madelon, FNPF

Voir aussi

Renaturation en cours de la partie aval de la Jalle de Castelnau