La partie ruinée du moulin de Pernaud a été effacée en septembre 2017 afin de redonner libre court à la rivière Ciron, à ses poissons et ses sédiments. La Fédération de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de la Gironde, maître d’ouvrage de ces travaux de restauration de la continuité écologique a mené également un suivi scientifique, avant et après le chantier afin de vérifier les effets sur les habitats et les peuplements biologiques (invertébrés et poissons). Le résultat paysager a été reconnu unanimement mais en termes d’évolution des habitats aquatiques qu’en est-il ?




Restaurer la partie ruinée du moulin de Pernaud dans quel but ?
Sur un plan hydromorphologique, un dérasement permet de :
- restaurer le profil en long du cours d’eau,
- redynamiser le transport solide
- diversifier les faciès du lit, les écoulements ainsi que les habitats.
D’un point de vue écologique, la recolonisation des espèces qui aiment évoluer dans les zones de courant comme le chabot ou le goujon par exemple, va se faire au détriment des espèces qui préfèrent les eaux calmes d’un plan d’eau d’un ouvrage. Plus en amont et en aval, l’état écologique du cours d’eau peut également s’améliorer. L’augmentation de la colonisation des espèces piscicoles, notamment migratrices, peut être constatée.
Les stations étudiées et les méthodes employées
Grâce à l’aide financière de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, la Fédération a réalisé un suivi hydromorphologique et biologique en juillet 2017 puis en juillet 2018.
Deux stations de mesures encadraient le moulin de Pernaud. Une était située à l’amont de l’ancien ouvrage de décharge, dans l’emprise du moulin et l’autre à l’aval immédiat du moulin. Une troisième station servait de témoin. Elle était localisée suffisamment en amont du site, hors de toute influence des travaux.
La Fédération a mis en œuvre différents protocoles de suivi notamment la pêche électrique. L’étude du peuplement piscicole a intéressé les trois stations. La méthode CARHYCE a permis de caractériser à la fois la géométrie du lit, ses substrats et les conditions hydrauliques. Elle a été mise en œuvre sur les stations « amont » et « témoin », mais pas celle « aval » en raison des aménagements qui y ont été réalisés à la fois en berge et dans le lit (retalutage, enrochements, dépôts de granulats grossiers).
Les résultats
Un zeste d’hydromorphologie
Très peu d’évolution hydromorphologique a été observée avant et après les travaux du moulin de Pernaud sur la station en amont du moulin, zone la plus susceptible d’évoluer. Le bon maintien de la structure du lit constaté est à rapprocher de la réalisation et au maintien de deux seuils de fond dans le lit du Ciron pendant les travaux. Créés d’une part à l’emplacement du bâtiment ruiné et d’autre part, entre celui-ci et l’aval immédiat de l’ancien bras de décharge, ces aménagements en seuils de fond naturels ont évité une érosion régressive. Ils ont également garanti une bonne alimentation en eau du bras de décharge même durant la période d’étiage 2018. Au niveau du secteur réhabilité, il a été noté une tendance à une meilleure oxygénation de l’eau.


La parole aux poissons
Le compartiment piscicole a, quant à lui, peu varié. Le peuplement entre les stations est quasiment resté le même. Les deux espèces anguille et chevaine ont continué à dominer le peuplement. Une baisse de la densité de la population d’anguille a été notée en 2018 en amont et en aval de l’ancien moulin indiquant un recrutement globalement plus faible de cette espèce. Cette observation ne peut être reliée aux travaux eux-mêmes puisque le même constat a été fait sur la station témoin.
Le brochet n’était observé sur aucune des stations en 2017. Sa présence en 2018 sur la station aval est en lien avec la nouvelle zone humide située en rive droite 80 m en aval du moulin. Cette zone humide est située sur des parcelles en Espaces Naturels Sensibles (ENS) propriété du Département. Elle a été créée par le Syndicat Mixte d’Aménagement du Bassin Versant du Ciron au moment des travaux de dérasement de la partie ruinée du moulin. Une pêche spécifique a eu lieu dans cette zone humide, en avril 2018. Sa fonctionnalité de zone de reproduction du brochet est démontrée puisque deux juvéniles de l’année y ont été capturés.
En conclusion
Les observations biologiques faites avant et après travaux sont à relativiser. En raison de leur cycle biologique, les espèces aquatiques nécessitent généralement du temps pour s’adapter à des changements de milieu. De plus, la partie ruinée du moulin de Pernaud représentait une entrave au bon écoulement des eaux mais n’était pas une barrière totale. La ruine gênait le transit naturel des sédiments et constituait un obstacle périodiquement franchissable pour la faune aquatique selon les niveaux d’eau.
Au vu des faibles changements survenus entre 2017 et 2018, il sera certainement intéressant de revenir dans quelques années (3 à 5 ans) pour la réponse biologique ou après une crue morphogène afin de vérifier la survenue de changements physiques notables dans le lit mineur, comme des déplacements de substrats.
Découvrez sans plus attendre la bande annonce du film « Migration sans frontières – le Ciron une volonté de continuité écologique » réalisé par la Fédération. Vous y découvrirez la restauration de la continuité écologique menée sur le site du Moulin de Pernaud en partenariat avec l’AEAG, le SMABVC et le Département.