L’alose feinte est une ressource bien présente sur l’axe Garonne-Dordogne qui, au-delà de son caractère hautement patrimonial, a un intérêt halieutique fort, en lien notamment avec la pêche de loisir à la ligne.

L’alose feinte : présentation de l’espèce
L’alose feinte (Alosa fallax fallax) est un poisson migrateur qui remonte les fleuves Garonne, Dordogne et son affluent l’Isle depuis l’océan pour se reproduire. La reproduction dure de 1 à 2 mois entre fin avril et juin et a lieu exclusivement la nuit entre 22h et 5h. La migration de dévalaison des juvéniles (alosons) vers l’estuaire a lieu en été. Ils resteront dans l’estuaire jusqu’en décembre/janvier avec des déplacements réguliers d’individus entre l’estuaire et la côte. La phase de croissance en mer se fait en zone littorale, jusqu’à l’âge de 3 à 4 ans pour les mâles et 4 à 5 ans pour les femelles. L’alose feinte peut même se reproduire plusieurs fois au cours de sa vie !
Où et quand pondent les aloses feintes en Gironde ?
Les zones de reproduction sont soumises à marée dynamique, sans impact des barrages pour l’accès aux frayères, contrairement à la grande alose.
- Sur la Dordogne, la majorité des géniteurs observés est répartie entre les communes de Branne et Castillon. Les sites de Vignonet, Sainte Terre et l’aval de Castillon sont les plus fonctionnels (source : MIGADO).
- Sur la Garonne, l’activité est plus étalée avec 98 % de la reproduction répartis sur moins de 30 km entre Barsac et La Réole (source : MIGADO).
L’Isle (entre saint Denis de pile et Laubardemont) n’abrite qu’une faible part des individus du bassin (environ 2%) (source : MIGADO).

Les pics de reproduction sont observés pour des températures de l’eau comprises entre 14 et 19°C. La hausse des débits, conjuguée à la baisse de la température, diminue voire arrête la reproduction sur les deux axes (Garonne et Dordogne).
Les gammes de débits les plus favorables à la reproduction sont du même ordre sur chaque bassin : à savoir entre 0,4 et 1,5 fois le module de la rivière.
Statut et menace
Statut de l’espèce
Alosa fallax fallax est inscrite comme « vulnérable » sur la liste rouge UICN des poissons d’eau douce menacés en France. La pêche (techniques et périodes de capture pour les professionnels et amateurs aux engins) de l’alose feinte est régie par l’arrêté de la préfecture de Gironde du 20 janvier 2011.
L’arrêté inter-préfectoral du 27 avril 2010 interdisait sa consommation sur la partie basse des axes Garonne et Dordogne. Depuis juillet 2016, l’interdiction a été levée et la consommation est de nouveau autorisée. En 2021, la pêche de l’alose feinte au leurre est autorisée à partir de l’ouverture du brochet (24 avril) pour une taille légale de capture de 30 cm et plus.
Menaces existantes sur ce poisson
De façon générale, les activités humaines perturbant le milieu aquatique sont les principaux facteurs de régression des populations de migrateurs, y compris de l’alose feinte :
- L’extraction de granulats fait partie des causes de régression des populations d’aloses en impactant la morphologie de la rivière ainsi que les paramètres physico-chimiques de l’eau (Larinier, 1980). Les extractions de granulats ont été stoppées à la fin des années 80 sur l’axe Garonne/Dordogne. Néanmoins, certaines zones sont dépourvues de granulats et laissent apparaître des fonds stériles recouverts de roche mère.
- L’exploitation des ressources halieutiques, et notamment des géniteurs, contribue à accentuer la régression des populations de poissons migrateurs. L’alose feinte était jusqu’en 2008 peu impactée par la pêche aux engins et aux filets, comparativement à la grande alose, car moins appréciée gustativement. Mais avec le moratoire interdisant la pêche de la grande alose, un report d’effort de pêche était à craindre sur cette espèce. En 2010, un arrêté interdisant la consommation de l’alose feinte a certainement permis à l’espèce de bénéficier d’une réduction de l’impact de la pêche sur le bassin. En 2016, la suspension de cet arrêté ré-autorise la consommation et relance donc la pêcherie aux engins et aux filets. La pêche à la ligne de ce poisson s’inscrit également dans une véritable tradition girondine.
- La dégradation générale des milieux aquatiques et de la qualité de l’eau constitue un élément majeur dans l’érosion des populations de poissons migrateurs. Concernant l’alose feinte, la dégradation de la qualité de l’eau (contamination PCB, phénomènes d’hypoxie lors de la dévalaison) pourrait augmenter la mortalité des jeunes individus plus sensibles (impact sur l’œuf, l’alevin, l’aloson…) (source : INRAE).
Abondance de la population en Gironde
L’indice d’abondance de la population d’alose feinte est réalisé par l’association MIGADO. Ce suivi a débuté en 2005 sur l’axe Garonne, puis s’est étendu sur l’axe Dordogne en 2006 et l’axe Isle/Dronne en 2007. La fraie de l’alose est caractérisée par ce qu’on appelle des «bulls» qui sont audibles depuis la berge jusqu’à une centaine de mètres de distance, comme pour la grande alose. Le suivi de la reproduction se fait donc par l’écoute et le dénombrement de ces bulls et l’intensité se traduit par un nombre de bulls par heure.

De 2007 à 2014, la figure met en évidence une forte baisse de l’activité de reproduction et donc de la population d’aloses feintes sur Garonne-Dordogne. Cependant, cette tendance semble s’inverser depuis 2015 et l’indicateur en 2020 est le deuxième plus important depuis le début des suivis. Cette même année, la Garonne représente 70% de l’activité totale enregistrée. La fréquentation des deux cours d’eau varie largement selon les années, vraisemblablement en fonction des conditions hydrologiques différentes rencontrées par les géniteurs sur chaque axe.
L’alose feinte est certainement l’une des rares espèces qui, sur ces 14 années de suivis, semble fréquenter de manière régulière et importante notre bassin. Cette observation est probablement à mettre en lien avec des zones de reproduction non perturbées par les ouvrages hydrauliques, comme on a pu l’observer sur d’autres cours d’eau européens où l’édification de barrages très à l’aval des bassins a conduit à une chute rapide des effectifs. Une deuxième raison pourrait être une limitation des prélèvements sur cette espèce, en lien avec une interdiction de la consommation entre 2010 et 2016 mais aussi parce que, de manière générale, cette espèce est moins recherchée par la pêcherie professionnelle.
Soyons responsables pour la pérennité de l’espèce !

L’alose feinte est une ressource bien présente sur le bassin qui, au-delà de son caractère hautement patrimonial, a un intérêt socio-économique, en lien notamment avec la pêche qu’elle soit professionnelle, amateur ou de loisir. Même si la pêche professionnelle ne cible pas l’espèce par manque d’intérêts commerciaux, la pêche de loisir à la ligne s’inscrit, quant à elle, dans une véritable tradition girondine, reconnue et pratiquée.
Nous devons donc rester vigilants quant à l’évolution de cette population car c’est une espèce que nous pêchons sur frayère où 95 % de la population se reproduit sur un linéaire de seulement 48 km (Garonne et Dordogne confondues).
Il apparait donc primordial d’avoir une pratique raisonnée et responsable quant aux prélèvements ou et à être attentifs aux manipulations effectuées sur le poisson si on pratique le no-kill.