Le nouvel ouvrage hydraulique de Joncru sur le canal des Etangs est en voie de finition. Il va favoriser la continuité écologique sur le canal.
Le territoire des lacs médocains
Le bassin d’alimentation des Lacs Médocains s’étend sur un territoire très plat de 1000 km2. La nappe phréatique des sables du plio-quaternaire est présente à faible profondeur. Elle alimente un réseau dense de 1 400 km de cours d’eau et fossés, créés par l’homme, 110 km2 de zones humides et les Lacs naturels d’eau douce de Lacanau (20 km2) et Carcans-Hourtin (62 km2 [1]).
L’évolution au fil du temps
Un objectif de salubrité au XIXe siècle
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la région est un immense marais aux eaux stagnantes, bloquées par un cordon dunaire de sable mobile du littoral. Le paludisme est endémique et l’économie locale tient à quelques pêcheries et à l’élevage sur les landes.
En parallèle de la fixation des dunes, le creusement d’un canal est décidé en 1858 pour « assainir » la région. Il doit acheminer l’eau vers le bassin d’Arcachon.
Les travaux aboutissent en 1871. Un premier tronçon, dit canal des étangs, relie les deux lacs. Le deuxième tronçon relie le Lac de Lacanau aux prés salés d’Arès-Lège-Cap-Ferret. Il est surnommé canal du Porge-et-de-Lège. Les canaux sont respectivement longs de 7,5 km et de 18,5 km.
Le creusement du canal permet d’améliorer les écoulements en période de hautes eaux. La loi napoléonienne de 1957, impose en parallèle la plantation de pins maritimes sur le territoire qui remplace progressivement les anciennes landes humides pâturées.
Une nécessité de gérer l’eau au XXe siècle
Dès le creusement du canal, un ouvrage de gestion de l’eau est installé à Batejin à l’aval du Lac de Lacanau pour éviter l’assèchement des lacs en été. Trois ouvrages sont aussi construits dans les années 1950 sur la partie aval du canal. En effet, sans ouvrage, le canal s’incisait et provoquait un assèchement des marais et des parcelles forestières sur une grande superficie du bassin versant.
Suite aux graves inondations de l’hiver 1960-1961, un Syndicat Intercommunal d’Aménagement des Eaux du Bassin Versant des Etangs du Littoral Girondin (ou SIAEBVELG) est créé en 1964. Il a pour objectif de mutualiser les moyens entre les 13 communes du bassin versant pour améliorer la gestion hydraulique depuis l’amont jusqu’à l’aval.
A la fin des années 1970, le canal est élargi et un nouvel ouvrage est construit entre les deux lacs pour mieux prévenir les inondations. Deux écluses, celles de Montaut et Batejin, gèrent ainsi directement le niveau d’eau de chacun des deux lacs. En aval, trois autres écluses se succèdent sur le canal du Porge-Lège celle de Joncru, de Langouarde et du Pas du Bouc.
[1] Le lac de Hourtin-Carcans est le plus grand lac naturel d’eau douce de France
La préservation du potentiel multiple du territoire au XXIe siècle
Le SIAEBVELG a aujourd’hui de nombreuses missions : suivi de la qualité des eaux, gestion hydraulique et préservation de la biodiversité associée aux cours d’eau et zones humides. Les activités économiques et de loisirs doivent être aussi préservées sur l’ensemble du territoire.
Une mosaïque de milieux diversifiés à reconquérir
Le bassin versant des Lacs Médocains constitue un secteur d’accueil remarquable pour les jeunes anguilles Anguilla anguilla, espèce européenne désormais en danger critique d’extinction (UICN). Grâce à sa grande proximité avec le bassin d’Arcachon, les différents milieux sont favorables à leur grossissement et donc in fine à la production de géniteurs.
Les premières passes à anguille datent de 2007. Le syndicat pilote leur mise en place sur chacune des cinq écluses qui s’étagent entre le canal du Porge et le canal des étangs. Ces installations d’alors s’avèrent peu fonctionnelles.
En 2013, la révision du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (ou SAGE des Lacs Médocains intègre l’objectif d’améliorer, dans son ensemble, la continuité écologique (migrations de la faune aquatique et transport sédimentaire) selon deux axes, longitudinal et latéral.
La continuité latérale (connexion de l’axe principal du canal des Etangs avec les zones humides en lit majeur, les annexes hydrauliques, les berges, la ripisylve) permet le passage des espèces pour assurer leur cycle de vie. C’est le cas particulièrement pour le Brochet Esox lucius et Esox aquitanicus pour lequel des zones de frayère naturelles sont très présentes sur le bassin versant des lacs Médocains.
L’historique des études et des aménagements sur les ouvrages hydrauliques
Des ouvrages importants pour la gestion de l’eau
Les études et les suivis menés à partir de 2013 soulignent l’importance des ouvrages pour la préservation des zones humides du territoire et le maintien du niveau de la nappe des sables à l’échelle du bassin versant.
Sans la présence des ouvrages du Montaut et de Batejin, le niveau des lacs de Hourtin-Carcans et Lacanau baisserait d’environ 1 mètre du fait même de l’existence du canal des étangs, leurs profondeurs moyennes étant respectivement de 3,6 m et 2,1 m.
Le SIAEBVELG et la Commission Locale de l’Eau du SAGE des Lacs Médocains, confortés par les services de l’Etat et leurs partenaires financiers (Agence de l’Eau Adour Garonne, Région Nouvelle- Aquitaine et Département de la Gironde) amorcent un programme de restauration et sécurisation de ces ouvrages. Il doit aussi les moderniser afin d’optimiser la gestion de l’eau en :
- Augmentant les zones d’expansion des crues afin de mieux prévenir les inondations
- Améliorant la qualité des eaux grâce à de meilleures connexions entre les grands marais, filtres naturels et le canal
- Favorisant la continuité écologique latérale, liée aux zones humides et celle longitudinale sur le canal.
Les premiers travaux conséquents
Dès 2015, les premiers travaux d’investissement sont faits sur les sites des deux ouvrages hydrauliques qui régulent les lacs.
L’ouvrage de Montaut est maintenu et rénové. Ses vannages sont remplacés et motorisés. La « passe à poissons multi-espèces à bassin successifs » devient totalement fonctionnelle.
Des travaux de reconnexion sont aussi réalisés avec les marais environnants (Devinas, Gnac, Cousseau). Des passes à poissons et de vannages de gestion des niveaux d’eau sont installées.
En 2017, une nouvelle écluse est construite à quelques dizaines de mètres en aval de l’ancien ouvrage de Batejin. Ce dernier est démantelé tout en gardant sa structure porteuse. Le nouvel ouvrage est constitué de deux vannes à clapet. Il porte deux passes à poissons (une « multi-espèces à bassins successifs » et une autre spécifique pour les anguilles) ainsi qu’un dispositif de suivi de la dévalaison de l’anguille.
Enfin, un règlement d’eau fixé par arrêté préfectoral cadre les modalités de la gestion de l’eau au niveau des lacs et du canal des étangs. Ceci répond à un objectif majeur du SAGE.
Les aménagements récents sur le territoire
Des seuils en ruine vite effacés
Jusqu’en 2021, sur la partie aval du canal du Porge et Lège Cap-Ferret, des restes de quatre vieux ouvrages, plus ou moins corrodés et contournés, perturbent le bon écoulement des eaux.
Durant la période d’étiage, le syndicat fait retirer les restes de trois seuils en palplanches.
Le seuil béton de 0,5 m de hauteur qui correspond à l’ancien seuil du Pas du Bouc est, lui, arasé à l’aide d’une minipelle.
Le renouveau de l’ouvrage de Joncru
L’ouvrage de Joncru participe à la préservation des zones humides qui lui sont adjacentes et au maintien du niveau de la nappe des sables à l’échelle du bassin versant.
Le projet a prévu la création d’un nouvel ouvrage à la place de l’ancien. Il doit pouvoir s’adapter aux effets du changement climatique. Bref, il doit être modernisé, sécurisé et automatisé pour optimiser la gestion des niveaux d’eau.
D’un point de vue continuité écologique, deux passes à poisson sur le même principe que celui de l’ouvrage de Batejin sont prévues (une passe spécifique pour les anguilles et une autre multi-espèces à bassin).
L’ancien ouvrage voit la dépose de ses équipements de vannage puis la démolition de ses éléments de structure durant la période d’étiage 2021. La pêche de sauvegarde est réalisée par la FDAAPPMA33 début juillet.
Le chantier avance bien. Sa fin est prévue à la fin du mois de novembre. C’est sans compter avec d’importants problèmes d’approvisionnement en matériaux qui surviennent en septembre et octobre. Le chantier est presque à l’arrêt. Du retard est pris et amène sur la période hivernale 2021-2022 durant laquelle les hautes eaux compliquent le besoin de mise hors d’eau du chantier.
La fin des travaux est prévu pour février-mars 2022.
La suite ?
La suite concerne les travaux à mener sur les 2 autres ouvrages, situés plus en aval sur le canal du Porge, à savoir les ouvrages de Langouarde et du Pas du Bouc. Les projets définitifs sont encore à l’étude.