Une valorisation environnementale en route pour le site de l’ancien moulin de Reyraud sur la Dronne
Un zoom sur la localisation du site
Le site de l’ancien moulin de Reyraud se situe sur la rivière Dronne à la jonction des trois départements Gironde, Dordogne et Charente-Maritime. Implanté à 19 km de la confluence avec l’Isle, sur la commune des Eglisottes-et-Chalaure, il s’agit du 3ème ouvrage hydraulique sur la Dronne.
La Dronne, ça vous parle !?
Petit rappel : la Dronne est un grand affluent du bassin versant de la Dordogne. Cette rivière, longue d’environ 200 kilomètres, intéresse 4 départements différents, dont celui de la Gironde dans sa partie la plus aval. Elle abrite des milieux et des habitats d’intérêt avec un fort potentiel notamment pour les poissons grands migrateurs tels l’anguille, les aloses, les lamproies et les salmonidés.
De nombreux ouvrages hydrauliques anciens jalonnent la Dronne. Un certain nombre pose des problèmes de franchissement à la faune piscicole. La rivière fait l’objet d’une reconquête de la continuité écologique jusqu’à Brantôme (département de la Dordogne). Sur la quarantaine d’ouvrages hydrauliques posant des problèmes de franchissement aux poissons, trois se situent en Gironde.
Le seuil de Coutras est situé à moins de 2 km en amont du confluent Dronne- Isle. Depuis 2022, une rivière de contournement permet son franchissement à la fois pour la faune piscicole et les embarcations nautiques (canoë-kayaks).
A 14 km du seuil de Coutras, l’usine hydroélectrique de Montfourat (Les Eglisottes et Chalaure) dispose d’une passe à bassins successifs et d’une passe spécifique à anguilles depuis 2009. Ces aménagements donnent accès à 4 km de cours d’eau supplémentaires jusqu’au seuil de Reyraud. Ce dernier obstacle créait une chute de 2,50 m.
Évolution historique du lieu
Grandeur…
L’aménagement de la rivière et l’utilisation de la force motrice de l’eau est particulièrement ancienne (depuis environ 4 siècles) sur la Dronne aval. La présence d’un moulin sur le site de Reyraud est mentionnée sur les cartes de Cassini (1789) et de l’Etat Major (~1850).
En 1910, Maurice Baudou achète le site désaffecté de l’ancien moulin à blé. Il installe une manufacture de caoutchouc spécialisée dans les pneumatiques et les accessoires de bicyclettes. Pendant la Première Guerre mondiale, l’usine fournit à l’Armée l’équipement des roues-avant des autochenilles. En 1920, de nombreux ateliers sont édifiés, notamment le bureau et des ateliers de fabrication. Vers 1935, l’activité se porte sur la botte moulée et vulcanisée, puis les fabrications se diversifient. En plein essor, notamment au sortir de la 2ème guerre, l’usine se développe et se modernise. Plusieurs bâtiments et ateliers sont édifiés jusque dans les années 1980. Au plus fort de son activité, elle emploie plus de 1500 personnes.
et décadence !
1999 est l’année du départ de l’industriel. Une personne privée rachète le site mais il le laisse évoluer en friches. L’usine hydroélectrique et les bâtiments industriels subissent une rapide dégradation, victimes d’incendies et de vandalisme. Le site est fermé au public.
Entre 2005 et 2018, plusieurs brèches surviennent sur la partie centrale du seuil à la suite de crues. La concentration et l’augmentation des écoulements génèrent alors une érosion en amont et en aval de l’ouvrage, faisant reculer de plusieurs mètres le front de berge.
(a) un exemple de la ruine des bâtiments de l’usine désaffectée (© SABV DA 2019) ; (b) La brèche dans le seuil central (© EPIDOR 2018) – (c) érosion associée à la brèche (©Biotec 2021)
Une action publique d’envergure
Le site de Reyraud présente des enjeux écologiques majeurs en terme d’habitats de type corridor fluvial et d’espèces vulnérables tels le vison d’Europe, la loutre, la tortue Cistude, la Grande mulette (moule d’eau douce) et bien sûr les poissons grands migrateurs cités plus haut.
Ce lieu jouxte aussi l’aval du ruisseau Le Chalaure affluent de la Dronne.
(a) Vison d’Europe (© Département des Deux Sèvres), (b) Cistude d’Europe (© Thomas Gendre), (c ) Grande Mulette (© Miguel Gailledrat) exemples d’espèces vulnérables ; (d) Localisation du tracé actuel du ruisseau Le Chalaure (source Biotec 2022 et fond de carte Géoportail)
En 2018 une opportunité de cession du site voit le jour. Le SABV Dronne Aval se positionne pour l’achat avec des objectifs pour la biodiversité. Le projet de renaturation du lieu pourrait-il devenir un site exemplaire et démonstratif pour la réappropriation d’une friche industrielle par les collectivités ? Oui ! et cette volonté locale permet au projet d’être primé lauréat à l’UNESCO dans le cadre des trophées des réserves de biosphère 2019.
En décembre 2019, le SABV Dronne Aval est en mesure d’acheter l’ancien moulin et la plupart des parcelles associées pour 185 000 € grâce à l’aide financière de 80% du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) Nouvelle Aquitaine.
Plusieurs objectifs sont visés : la continuité écologique, la biodiversité ainsi que les activités en lien avec la Dronne en amont de l’ouvrage.
La nécessité d’une étude globale
En 2020, EPIDOR et le SABVDA lancent une étude globale de renaturation du site. Un large dialogue territorial est réalisé avec la création d’un comité de pilotage. Ce dernier regroupe tous les acteurs pouvant trouver un intérêt à ce projet aux dimensions interdépartementales. Avec l’aide du cabinet Biotec, l’avant-projet envisage 13 grandes actions :
1 – Dépollution du site
2 et 3 – Désartificialisation et démolition des bâtiments
4 et 5 – Renaturation des seuils
6 et 7 – Restauration des espaces de transition et de la dynamique alluviale
8 – Dégagement et remise en eau de l’ancien lit du Chalaure en amont du site
9 – Restauration d’annexes hydrauliques
10 – Création d’un espace de transition avec la rivière et d’un accès à l’eau (pente douce)
11 – Aménagement paysager du site industriel et végétalisation des surfaces
12 – Maintien du moulin en l’état pour une valorisation ultérieure
13 – Maintien de l’ancien lit artificiel du Chalaure pour la gestion des eaux pluviales
La recherche de financement
A l’issue des études, le SABV DA engage les recherches de financement afin de réaliser le projet. En mai 2023, il répond à l’Appel à Projet « Restauration écologique en faveur de la biodiversité » financé par la « première édition du jeu de grattage Mission Nature ». Celle-ci est organisée par la Française des jeux en partenariat avec l’Office français de la biodiversité (OFB).
Grâce à la vente des tickets du jeu de grattage lancé par la FDJ, le produit affecté à l’OFB dépasse l’objectif fixé et atteint plus de 7 millions d’euros.
Banco ! Début 2024, le projet de renaturation intégrale du site du moulin de Reyraud fait partie des 21 projets retenus par l’OFB au niveau national. La base maximale de l’aide atteint un million d’euros HT de travaux subventionnable à 80%.
Le 19 avril dernier, l’OFB fait un déplacement officiel sur site pour valoriser ce projet emblématique avec présence de la presse et des médias. Cet évènement est clôturé par la signature d’un protocole d’engagement mutuel entre l’OFB national et le SABV DA.
Un projet répondant à de multiples enjeux
Il va s’agir de redonner à la rivière un fonctionnement plus naturel et résilient face au changement climatique. La renaturation du seuil et les aménagements réalisés vont permettre à la rivière de s’écouler plus naturellement. Cette zone d’eau courante aura un bénéfice également sur la qualité de l’eau (fraîcheur, oxygénation…).
Les travaux permettront de diversifier les habitats et de pérenniser la continuité écologique sur 33 km. Ils iront aussi dans le sens de la sécurité car le seuil et la brèche en mauvais état représentent un risque pour les usagers de la Dronne.
L’accès à la rivière sera un plus pour la population du bassin de vie environnant : promeneurs, visiteurs de l’ancien moulin, écoliers, habitants…
Ce projet peut clairement avoir aussi valeur d’exemplarité et en inspirer d’autres. C’est pourquoi il s’intègre dans une réflexion globale à l’échelle des trois départements concernés.
Les différentes étapes de ce projet sont à réaliser avant fin 2027 et l’ouverture au public est visée pour 2028. A suivre !
Financements:
- Région Nouvelle-Aquitaine
- Agence de l’Eau Adour Garonne
- L’Union européenne : FEDER
- Mission Nature de l’Office français de la biodiversité via la Française des Jeux