Il semble bien loin le temps où Renaud chantait : « J’emmènerai dimanche, si je veux la gamine, s’emmêler dans les branches à la pêche à la ligne ». Hier, ces paroles faisaient sourire avec tendresse l’ensemble des français. Aujourd’hui, force est de constater que la pêche est attaquée frontalement par plusieurs associations qui remettent en cause la légitimité éthique de notre pratique. Cette attaque vient des antispécistes. Notre objectif est de vous faire comprendre le mouvement « antispécisme », dans ses principes, ses revendications et ses perspectives. Quelles associations nous menacent ? D’où vient leur idéologie ? Quels sont leurs arguments et leurs stratégies anti-pêche ? Et enfin, comment les combattre ?
Pauvres pêcheurs accrochez-vous ! Bienvenue au royaume antispéciste !
Préambule
Préambule :
Au nom de la capacité des animaux à souffrir, une forme de continuum homme/animal est revendiquée, interdisant toute forme d’exploitation ou de prédation des animaux, devenue moralement inacceptable et émotionnellement intolérable (MILTON Kay, 2002, Loving Nature. Towards an Ecology of Emotion,London & New York, Routledge).
Inscrits dans une idéologie antispéciste, plusieurs associations et partis politiques (avec en tête de file EELV (Europe écologie Les Verts), L214, Paris Animaux Zoopolis, PETA France (People for the Ethical Treatment of Animals), PACTE (Parti Antispéciste Citoyen pour la Transparence et l’Ethique), One Voice) réclament l’interdiction de certaines pratiques liées à la pêche de loisir et à termes, de la pêche sous toutes ses formes. Ainsi, depuis 2017, la pêche de loisir fait face à plusieurs campagnes de dénigrement, en provenance de toutes ces associations mais aussi de figures politiques et médiatiques de la cause animale.
Leurs arguments concernant la pêche sont souvent les mêmes à savoir :
- Les poissons sont les grands oubliés de la cause animale ! « Les études scientifiques révèlent que les poissons, dans leur grande diversité, possèdent des capacités cognitives diverses, ressentent la souffrance, ont une vie affective et témoignent d’échanges culturels ». (EÉLV s’engage pour la réduction des souffrances liées à la pêche de loisir (https://www.eelv.fr/motion-c-peche-loisir-cf2022100102/)
- La pêche est donc un loisir cruel, un sport violent et sanglant parce que le poisson est « asphyxié », « piégé », « écorché » par le pêcheur. Même lorsqu’il est relâché, le poisson subit un stress physiologique insupportable.
En conséquence de quoi, ils réclament systématiquement :
- L’Interdiction de la pêche au vif.
- L’Interdiction du rempoissonnement dans le but de pêcher.
- L’Interdiction de l’utilisation des gaffes, des hameçons triples et des hameçons avec ardillons.
De l’aveu même des antispécistes, il s’agit bien des premiers pas vers l’interdiction de la pêche tout court ! Aucune grande ville n’échappe à ces campagnes anti-pêche : Paris, Grenoble, Bordeaux, Montpellier, Lyon, Rennes, Strasbourg, Saint-Étienne… L’objectif est clair pour ce mouvement : faire modifier le code de l’environnement, en se servant des métropoles comme porte d’entrée, pour aboutir à des changements sur l’ensemble du territoire national.
L’antispécisme c’est quoi ?
Les antispécistes estiment que tous les animaux sensibles (c’est-à-dire doués de la capacité à ressentir de la douleur), humains compris, sont d’égale importance. Ainsi leurs sensibilités et leurs souffrances doivent être prises en compte. Les antispécistes considèrent comme une discrimination sans fondement le fait de considérer l’homme comme étant au sommet de l’ensemble des espèces du monde vivant. Ils soutiennent, contre cette hiérarchie, que seuls les intérêts vitaux des individus – comme les intérêts à ne pas souffrir et à ne pas être tué – sont à prendre en compte, quelle que soit l’espèce. Pourquoi ? Parce que, selon eux, l’espèce est, sur un plan éthique, une catégorie arbitraire pour établir une hiérarchie entre les animaux. Il n’y a en effet aucune raison pour que le fait d’appartenir à une espèce plutôt qu’à une autre implique une différence dans la prise en considération des intérêts vitaux des individus concernés.
Dans le détail, l’antispécisme est un courant de pensée philosophique et éthique, formalisé dans les années 1970 par des philosophes anglo-saxons, tel que Peter Singer, Richard D. Ryder ou Tom Regan. Ils défendent un renouveau de l’animalisme et ils considèrent que l’espèce à laquelle appartient un animal n’est pas un critère pertinent ni pour décider de la manière dont il doit être traité, ni de la considération éthique qui doit lui être accordée. En pratique, l’antispécisme entend donc s’opposer au « spécisme » qui accorde une considération morale distincte à différentes espèces animales ; Le spécisme plaçant l’Homme au-dessus des autres espèces, au motif qu’il aurait seul la faculté de raison. Selon l’antispécisme, le spécisme justifie l’exploitation et l’utilisation des animaux par les humains d’une façon qui ne serait pas considérée comme éthiquement acceptable s’il s’agissait d’humains. D’une manière générale, le spécisme sert à justifier toutes les violences que les humains font subir aux autres animaux.Ainsi, selon l’antispécisme, le spécisme est une idéologie éthiquement condamnable et conséquemment il est nécessaire pour y mettre un terme de lancer un « mouvement de libération animale ».
Une seule éthique pour l’antispécisme : « l’égale considération des intérêts »
« L’égale considération des intérêts » est le nom d’un principe éthique à partir duquel l’être humain doit prendre en compte, à égalité, tous les intérêts des êtres affectés par notre action. Il doit peser les intérêts des uns et des autres sur « la même balance », pour reprendre la métaphore de Peter Singer (dans La Libération animale (1975)). Tous les individus ayant des intérêts, à savoir ne pas souffrir et ne pas mourir, sont concernés par le principe.
Autrement dit, les animaux ont un intérêt à vivre librement, à rester en vie et à ne pas souffrir. L’obligation éthique de respect des intérêts de chaque individu, s’étend au-delà des individus humains. Il ne faut donc plus tuer, ni faire souffrir des animaux qui partagent avec les humains des capacités à ressentir la douleur.
Selon les antispécistes, le seul critère pertinent pour l’octroi du droit à la vie et à la sureté, est la capacité à souffrir, et non pas la capacité à raisonner, ou à parler. En résumé, la question n’est pas : « peuvent-ils raisonner ? », ni : » peuvent-ils parler ? « , mais : « peuvent-ils souffrir ? ».
Sur ce principe éthique d’égale considération des intérêts et ce critère de la sensibilité au fondement des droits d’un individu, les antispécistes condamnent la chasse et la pêche. Elles infligent, selon eux, des souffrances « barbares » aux animaux pour le seul loisir de l’homme. Ainsi donc, reconnaitre les animaux comme sujets ayant des droits, en fonction de leur sensibilité, conduit évidemment à rendre problématique pour le chasseur et le pêcheur le fait de les tuer.
Tel est l’horizon de l’antispécisme: tout « humanisme » renouvelé se doit d’intégrer l’animal à son projet, sous peine d’apparaître désormais comme inhumain au sens moral du terme. À mesure que les animaux changent de statut, les catégories mobilisées pour penser nos relations interhumaines et pour penser nos relations avec les animaux se brouillent. Ce n’est même plus, comme dans l’humanisme classique toujours régnant majoritairement, la liberté, la capacité d’autodétermination qui définit un sujet comme pourvu de droits vis-à-vis duquel l’homme a des devoirs moraux ; il ne s’agit plus, selon les antispécistes, que de la sensibilité et des degrés de cette même sensibilité qui fonde ce qu’est un sujet ayant des droits. Ce qui se joue aujourd’hui, ne saurait être donc être sous-estimé. Au cœur des conflits environnementaux prévaut aujourd’hui, comme l’écrit Gerard Collomb, la volonté des protagonistes de « faire prévaloir leur lecture du monde et de l’installer dans un champ de légitimité de nature morale, puis juridique » (https://www.researchgate.net/publication/281880135_Les_animaux_de_la_discorde_Revue_Ethnologie_Francaise_20091_Tome_XXXIX).
Quels moyens utilisent nos opposants pour combattre notre loisir ?
Deux leviers majeurs pour les antispécistes : l’émotion et l’activisme !
Notons d’entrée que « Le groupe des poissons devrait devenir l’une des priorités, si ce n’est la priorité du mouvement de protection des animaux », selon la LFDA, droit animal, éthique & sciences n° 104 – janvier 2020. Toutes les associations antispécistes avec en tête, l’association L214, organisatrice de manifestations anti-pêche dans plusieurs villes, voient leurs moyens exploser grâce à l’augmentation des dons perçus. En effet, la protection des animaux est dans le top 3 des causes privilégiées par les jeunes donateurs (- de 35 ans) ce qui n’était pas le cas auparavant.
Premier levier : susciter l’émotion !
« La pédagogie ne sert strictement à rien…l’assertion culpabilisante est la meilleure technique » avons-nous lu sur les réseaux. « Centrez votre matériel de campagne sur la présentation de la souffrance animale et stimulez la compassion et l’empathie chez les gens », conseillait Martin Balluch (Auteur sur les cahiers antispécistes) https://asso-sentience.net/abolitionnisme-versus-reformisme
A l’ère du numérique, les réseaux sociaux sont un outil puissant de diffusion (d’informations vraies ou fausses…) et de sensibilisation que nos détracteurs ont pleinement investis. Leur présence est assurée ainsi auprès du grand public, en particulier auprès des jeunes, mais pas seulement. Nous constatons que la sphère politique est aujourd’hui une source largement convoitée et dont les médias sont le relai, assurant ainsi une autre forme de visibilité. Les mouvements collectifs reposent de plus en plus sur l’agrégation des ressentis individuels (notamment sous l’effet des réseaux numériques), autour d’une émotion partagée, d’une indignation, d’une cause médiatisée à partir de faits supports d’émotion. On passe très vite du tressaillement intérieur au bouleversement des foules. Ne nous y trompons pas, les techniques de l’industrie publicitaire suscitent bien plus de consensus émotionnel que de consensus conceptuel : c’est l’arme majeure des antispécistes.
Deuxième levier : obtenir des réformes et des contraintes légales
Source : https://zoopolis.fr/nos-campagnes/les-animaux-ne-sont-pas-des-jouets/interdisons-la-peche-au-vif/
« Le but prioritaire du mouvement pour les droits des animaux doit être de créer la pression politique suffisante pour obtenir des réformes progressives ». Martin Balluch, 2008 ; http://www.cahiers-antispecistes.org/abolitionnisme-versus-reformisme/ .
La stratégie des antispécistes vise à occuper les sphères médiatiques, juridiques, scientifiques et politiques 🙁https://www.dropbox.com/s/7d82w7kny2ve4yi/Video_Douchka_Markovic_strategie_veganisme.mp4?e=1&dl=0).
On ne peut pas convaincre les gens d’abandonner la pêche ou une technique de pêche, cela demanderait beaucoup trop d’effort pour un résultat incertain. Il faut donc passer en force mais avec tact, en modifiant les lois (arrêtés municipaux, préfectoraux, Code de l’Environnement), forger un nouveau cadre auquel la population de pêcheurs devra se conformer ; elle finira par s’y habituer. En y allant petit à petit, en interdisant par exemple la pêche au vif pour commencer, puis la pêche à l’aide d’hameçons avec ardillons, puis la pêche no kill (comme en Suisse, en Allemagne), la compétition… Pas à pas, patiemment, ils pourraient faire passer la pilule, tout en rencontrant de moins en moins d’opposants : les rangs des pêcheurs s’éclairciront sans doute progressivement à mesure que les possibilités de pêche se réduiront. En continuant ainsi, digue après digue, à assécher les terres, ils pourraient faire disparaître la pêche par une succession de réformes restrictives, à petits pas bien dosés (https://www.peche69.fr/4993-campagne-anti-peche.htm).
La finalité ultime : changer la société lentement mais sûrement !
Ce mouvement « militant » s’inscrit dans une idéologie qui prône un changement sociétal, en se cachant derrière la cause animale, drainant ainsi de plus en plus de dons de citoyens (en particulier des jeunes) et appuyé par de généreux mécènes.
« La campagne ne doit pas demander de grands changements dans la société. Le but doit être réaliste et ne pas conduire vers l’inconnu. L’évolution de la société dans son ensemble doit être lente et continue. Le but de la campagne doit être de changer la société, le système social dans lequel vivent les gens, et non leurs opinions personnelles. »
Martin Balluch, 2008 ; http://www.cahiers-antispecistes.org/abolitionnisme-versus-reformisme/
Les antispécistes ne sont pas des écolos !
Source : https://www.fousdetoc.com/2021/02/12/faut-il-vraiment-craindre-les-anti-peche/
De leur propre aveu, ils se moquent des questions biologiques et écologiques, leur préoccupation centrale est d’ordre moral. Quand le pêcheur montre des rivières en souffrance, l’antispéciste regarde l’hameçon ou l’anode ! Leur nouveau combat, leur nouvelle croisade idéologique (One Voice en tête) à l’heure du changement climatique : faire interdire non seulement la pêche mais aussi la pêche scientifique d’inventaire à l’électricité.
Or cette méthode est actuellement la seule capable de fournir les renseignements nécessaires au diagnostic de l’état des peuplements piscicoles : diversité, densités, biomasses, classes d’âge, état de santé… Le tout avec un impact infime sur les populations, de toutes les alternatives possibles la meilleure, et utilisée mondialement en écologie. En général, moins de 3% des poissons d’un milieu succombent à ces manipulations, alors que « naturellement » 50 à 95% des individus peuvent mourir en un seul été…
A l’heure où la biodiversité est en crise, où les milieux aquatiques subissent l’impact du réchauffement climatique et des activités humaines, toutes les forces utiles pour les défendre sont nécessaires. Nos fédérations de pêche départementales ainsi que tous les gestionnaires, partenaires techniques et institutionnels mènent depuis longtemps des combats pour faire cesser les pollutions, les prélèvements d’eau excessifs et les aménagements irrespectueux sur nos cours d’eau (https://www.peche69.fr/4993-campagne-anti-peche.htm).
Critique de l’antispécisme
Tout d’abord, question de principe : L’homme, est-il un animal comme les autres ?
Ce qui est mis en avant par l’humanisme pour distinguer l’homme de l’animal, ce n’est pas, comme le disent les antispécistes, la faculté de raisonner ou bien encore le langage, c’est l’autodétermination, la faculté de choisir son propre comportement et d’élaborer en commun avec d’autres des normes universelles de type moral. Ainsi, ce qui fonde le sujet ayant des droits, c’est cette capacité reconnue à tout homme d’être à distance de conditionnements biologiques et sociaux, et d’être autonome, d’élaborer ses propres lois. C’est ce qu’on appelle, à proprement parler, une « personne ». Or en prenant la « sensibilité » et non l’autonomie comme ce qui fait qu’un sujet peut avoir des droits, on détruit le concept même de « personne » réservé à l’homme et à tout être témoignant d’autonomie ; et donc on détruit les principes humanistes qui fondent toute notre organisation juridique. La notion de « personne » devenue vague peut alors en venir, pour les antispécistes, à désigner n’importe quel animal pourvu qu’il ait un certain degré de sensibilité et des intérêts vitaux à défendre. Le philosophe Francis Wolff, nous en avertit : s’il faut lutter contre l’assimilation des animaux à des objets, il faut tout autant combattre leur assimilation à des «personnes» (chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://fr.zone-secure.net/27980/386892.pdf).
Pour bien montrer que l’homme se distingue des animaux, on pourrait ajouter un raisonnement qui montrera que les antispécistes se contredisent eux-mêmes. En effet, l’Homme est le seul à se demander s’il a le droit ou non de manger d’autres animaux. Le philosophe Raphaël Enthoven avance qu’« en demandant à l’homme de devenir herbivore alors qu’on ne demande pas la même chose aux animaux, on considère que l’homme est supérieur, car seul à être doté d’une morale ». Maintenant qu’est-ce que cela prouve ? L’antispécisme voulait supprimer la hiérarchie entre les hommes et les animaux, mais on vient d’assister en suivant leur raisonnement à un « retour de la hiérarchie sous couvert d’un discours qui veut l’abolir ». La notion de « personne », du « sujet de droit » se fonde donc bien sur la capacité d’un être à devenir autonome, à établir des lois morales universelles.
Allons au bout de la logique antispéciste : éliminer les animaux pour leur bien !
Proclamer que tous les animaux ont un droit à la vie, ont un droit à défendre leurs intérêts et qu’il faut donc les empêcher de mourir et de souffrir est inconséquent sur le plan écologique. En effet, de nombreux animaux ne peuvent vivre qu’au détriment d’autres espèces. Nous aurions beau nous abstenir de manger des animaux, nous n’empêcherons jamais d’autres espèces de le faire, puisqu’il en va de leur survie.
Et si d’aventure nous intervenions systématiquement dans la nature pour empêcher qu’un animal en mange un autre, alors notre intervention serait non seulement une tâche impossible à réaliser, mais elle serait contradictoire de la préservation même des équilibres naturels .
Néanmoins, la logique antispéciste poursuit inlassablement un idéal sans fondement. Il suffit de se plonger dans le « Cahier Antispéciste n°41 – Éliminer les animaux pour leur bien: promenade chez les réducteurs de la souffrance dans la nature (Estiva Reus) ». Le courant R.W.A.S (Reducing Wild-Animal Suffering), développé par les têtes pensantes du mouvement antispéciste, a des propositions concrètes à avancer pour venir en aide aux animaux sauvages :
« Une fois posé que la condition des animaux sauvages est atroce, qu’ils sont incompétents pour y remédier, et qu’il « nous » appartient de le faire à leur place, deux voies se présentent : d’une part, celle consistant à empêcher autant que possible la vie animale sauvage ; d’autre part, celle visant à réformer de fond en comble le fonctionnement de la nature, afin que la vie y devienne plaisante » (https://www.cahiers-antispecistes.org/chapitre-5-comment-reduire-la-souffrance-des-animaux-sauvages/). Au bout de cette pensée délirante, il y a les propositions suivantes : Mettre au point des préparations alimentaires végétales pour prédateurs, intervenir sur le génome des prédateurs afin de leur ôter l’envie de chasser et de les rendre aptes à se nourrir de plantes, mettre à mort l’ensemble des prédateurs…. L’antispécisme verse donc dans un anti-écologisme qui ne s’avoue pas, qui ne veut pas dire son nom. Doit-on s’en étonner ? Non, car les antispécistes ont moins le souci d’améliorer la vie concrète de la faune sauvage en préservant les équilibres écologiques que de vouloir faire avancer l’homme sur le chemin d’une prétendue perfection éthique ; une perfection des conduites et des comportements qu’ils considèrent comme supérieurs à ceux que propose l’humanisme.
Le fantasme idéologique des antispécistes : un monde sans prédation, sans souffrance… bref un conte de Walt Disney !
Les antispécistes sont uniquement sensibles à la souffrance d’un animal. L’émotion empreint leurs paroles, presque à leur insu : des paroles d’indignation qui reflètent un refus de la vie dans sa dimension de lutte pour la survie de l’individu et de l’espèce. Lutte cruelle et cependant réelle. A défaut de cette reconnaissance, la nature est fantasmée. Ainsi une farouche pathophobie, un dégoût de toute souffrance, de toute affection douloureuse, les entraînent à imaginer un monde à la convenance de leur propre sensibilité c’est-à-dire un paradis pacifique dans lequel aucun animal ne mangerait plus un autre animal doué de sensibilité ; bref, un monde fantasmé dans lequel aucune violence interspécifique ou intraspécifique n’existerait. Dalla Bernardina retient ce caractère infantile de ceux qui se nourrissent de ce fantasme quand il dit que : « dans ce public, nous pourrions trouver des sujets qui ont du mal à passer du conte merveilleux à l’acceptation de la vie en ce qu’elle a de prosaïque et de contraignant, autrement dit du principe de plaisir au principe de réalité » (DALLA BERNARDINA Sergio, 2006, L’éloquence des bêtes : quand l’homme parle des animaux, Paris, Métailié). Mais, même si la critique est juste, reste qu’une association de pêche ne combat pas les antispécistes en les invitant à faire une psychothérapie. Il faut se placer sur le terrain scientifique. Il faut les convoquer sur le terrain de la science. Notamment, sur le terrain même où ils revendiquent des certitudes sans expertise : celui de la sensibilité de l’animal.
Et la notion de bonheur chez le poisson ?
D’après l’association antispéciste L214 : « tous les êtres sensibles veulent désespérément éviter le malheur et la souffrance et recherchent au contraire le bonheur et le plaisir. On doit donc prendre en compte leurs intérêts, quelles que soient leurs performances intellectuelles » (https://www.l214.com/d/antispecisme/).
Peut-on coïncider avec la vie de l’animal au point de pouvoir éprouver par empathie ce qu’il éprouve ? A quoi correspondent les notions de bonheur et de plaisir pour un poisson ? La notion positive de bonheur comme plaisir durable et maximum a-t-elle-même un sens pour le poisson, quand elle est si difficile à définir pour nous-mêmes ? Quant à la notion négative de bonheur comme absence de souffrance, de malheur, suppose-t-elle alors d’éliminer les conditions mêmes de la lutte pour la survie de l’individu et de l’espèce.
Faudra-t-il dire que le bonheur pour un animal pourrait-être trouvé dans une captivité décidée par l’homme et qui le séparerait de tous ses prédateurs ? Au nom du droit de vivre et de ne pas souffrir de tel ou tel poisson individuel, faudrait-il supprimer tous ses prédateurs (oiseaux, congénères, autres carnassiers…) ? Dès lors, quels poissons choisir (poissons proies ou prédateurs ?) en sachant que la frontière est floue chez certains poissons ? Et que dire d’un saumon reproducteur qui lors de sa migration va vers sa propre mort, s’infligeant par la même de multiples lésions corporelles au moment où il creuse son nid avant d’y déposer ses œufs ? Faudrait-il l’en empêcher au nom de ce que l’on imagine être son propre bonheur ? La tâche est impossible et même écologiquement contradictoire.
Mais, soyons clair, tous ces arguments ne visent aucunement à nier la sensibilité des animaux. Il est incontestable que les animaux disposent d’un certain registre affectif. Mais ce n’est pas par une tentative d’empathie, que l’on peut établir la vie affective d’un poisson. A moins de verser dans l’anthropomorphisme.
Qu’est-ce donc, objectivement, le bien-être pour un poisson qui vit en liberté dans la nature, exposé à tous les risques de la vie sauvage – ni abri, ni alimentation, ni soins, ni protection – et qui lutte pour sa survie et celle de son espèce ? Avant de parler de bien-être chez les poissons, mieux vaut poser la question scientifique de la perception de la douleur chez les poissons et ses conséquences. Parce que s’éloigner de cette notion, c’est immanquablement courir le risque de l’anthropomorphisme où l’individu humain projette sa propre affectivité et prétend à la concordance avec le vécu du poisson.
Peut-on parler de « souffrance des poissons » ?
La souffrance a d’emblée un caractère psychique, conscient et même existentiel, puisqu’elle concerne également le sens de l’existence et la totalité psychique de l’individu. Elle peut se définir comme un état de détresse émotionnelle, affective parfaitement consciente, dont l’origine peut cependant être un mal physique. On pourrait la définir comme le pendant négatif extrême du bonheur. En ce sens elle s’apparente au malheur. Appliquée aux poissons, elle a donc un caractère nettement anthropomorphique. Ainsi, le vécu psychique affectif et existentiel de la souffrance humaine est projeté sur le comportement et la conduite du poisson. On lui attribue une activité psychique affective et existentielle non démontrée à partir de conditions anatomiques et physiologiques précises. De manière scientifique, le débat s’oriente donc préférentiellement vers la notion de douleur assortie de ces conditions anatomiques et physiologiques.
La douleurphysique– et non la douleur strictement et uniquement psychique qui elle se place sous le concept de souffrance,- est un état émotionnel, conséquence de sensations douloureuses et perçu de manière consciente. Elle est la conséquence de sensations locales externes ou internes affectant négativement l’organisme animal (nociception) et qui, précisément, donnent l’occasion d’une perception consciente de type affectif dont la fonction vitale est d’alerter l’organisme vivant de sa détérioration. De manière générale, et particulièrement importante dans notre contexte, la douleur physique implique donc à la fois une composante sensitive, émotionnelle et une composante consciente. “Afin de montrer qu’un poisson ressent de la douleur, il est nécessaire de montrer qu’un poisson est capable de conscience. Sans conscience il n’y a pas de douleur” (Rose, J. D. (2003). A critique of the paper: “Do fish have nociceptors: Evidence for the evolution of a vertebrate sensory system” published in Proceedings of the Royal Society: Biological Sciences. 270(1520):1115–1121, 2003 by Sneddon, Braithwaite and Gentle. Pages 49–51 in H. E. Erickson, editor. Information Resources on Fish Welfare 1970–2003. Animal Welfare Information Resources 20, U.S. Department of Agriculture, Beltsville, Maryland.)
Or, la sensibilité globale d’un poisson n’implique pas de vécus affectifs conscients. Les poissons sont des êtres vivants sensibles à leur environnement, qui réagissent, apprennent et cherchent à survivre. En effet, le système sensoriel des poissons est très différent de celui des mammifères : le circuit nerveux est essentiellement rapide (réflexe) et le centre d’interprétation n’est pas comparable à celui des mammifères (pas de néocortex et de mésocortex, sièges et donc conditions anatomiques et physiologiques des émotions conscientes chez ces derniers). Dans un article publié en 2016, le chercheur Australien Brian Key décrivait dans le détail « Pourquoi les poissons ne ressentent pas la douleur » (Key B. (2016) Animal Sentience 2016.003: Key on Fish Pain) :
« L’analyse cérébrale consciente implique l’amplification et l’intégration globale des signaux neuronaux et existe dans le cortex humain (et vraisemblablement des mammifères) en raison de son architecture neuronale spécifique. (Notons ici que les poissons n’ont pas de cortex cérébral comme on le retrouve chez les mammifères) … Bien que certaines parties de leur cerveau soient vaguement homologues de l’amygdale des mammifères, chez les poissons ces structures sont principalement des circuits de renforcement des comportement défensifs activés par la nociception… (En clair, les poissons répondent à un stimulus douloureux affectant négativement leur organisme par la fuite…). En conclusion, chez les poissons il manque les connexions réciproques et réseaux cérébraux requis aux procédés neuronaux conscients… »
Dans les faits, le cerveau des poissons est assez « primaire » au regard de sa capacité à intégrer les informations. Le cerveau des poissons serait deux « crans » évolutifs plus simple que celui des reptiles (cf. schéma). De manière imagée, un poisson serait moins « doué pour les sentiments » qu’un crocodile !
Comparaison des encéphales de vertébrés – Source schéma : http://svt.ac-dijon.fr/schemassvt/spip.php?article1656
Même si cet argumentaire peut être et est soumis à controverse au sein de la communauté scientifique, il semblerait toutefois que le consensus entre scientifiques s’oriente dans le sens où les poissons ne seraient pas « équipés » pour avoir des émotions conscientes et des sentiments. Des « émotions » primales et nécessaires à la survie telle que la peur, oui, mais de la douleur telle que les humains peuvent la définir ou la ressentir, non. Cependant, sans la base de l’analyse des conditions anatomiques et physiologiques des comportements d’un poisson, les antispécistes continuent de s’appuyer sur des études de comportements tels que des réponses à des stimuli nocifs pour suggérer que les poissons ressentent de la douleur ; ce qui est pour le moins insuffisant et toujours utilisé de manière inappropriée (Sneddon, Braithwaite and Gentle (2003) “Do fish have nociceptors: Evidence for the evolution of a vertebrate sensory system”, Proceedings of the Royal Society: Biological Sciences. 2003), (Jones SG, Kamunde C, Lemke K, Stevens ED. The dose-response relation for the antinociceptive effect of morphine in a fish, rainbow trout. J Vet Pharmacol Ther. 2012;35:563–570), (Reilly SC, Quinn JP, Cossins AR, Sneddon LU. Behavioural analysis of a nociceptive event in fish: comparisons between three species demonstrate specific responses. Appl Anim Behav Sci. 2008;114:248–259).
Un article scientifique de 2024 signé collectivement par 20 auteurs de 17 structures de recherche différentes issues de 9 pays, nous fournit une base de réponse très solide. Ce pavé dans la mare vient briser le faux consensus scientifique autoproclamé sur la douleur du poisson, mais ne s’arrête pas là. Il démontre avec précision les dérives idéologiques de la littérature scientifique consacrée à la sensibilité animale : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23308249.2023.2257802#abstract
Mais tentons, malgré tout, d’emprunter cette voie du comportement : comment réagit un poisson blessé ?
Si les poissons ressentaient de la douleur, on pourrait au moins s’attendre à ce qu’ils présentent une réponse protectrice globale et à long terme face aux blessures. Les nageoires des poissons sont densément innervées et constituent l’une des régions de la surface du corps du poisson les plus sensibles aux stimulations nocives (Chervova LS. Pain sensitivity of behavior of fishes. J Ichthyol. 1997 ;37 :98–102). Si le poisson ressentait de la douleur et si la douleur remplissait une fonction de protection, alors le poisson devrait réagir à une blessure à la nageoire soit en ne l’utilisant pas, soit en modifiant son comportement de nage jusqu’à ce que la blessure soit réparée. L’organisme du poisson aurait une réponse globale et rééadaptée à une situation ressentie comme nocive pour la totalité de l’organisme. Cependant, même après une amputation partielle ou complète de la nageoire caudale, voire une atteinte de cette dernière par un champignon destructeur, les poissons ne montrent aucune preuve de protection de leurs nageoires en réduisant ou réadaptant leur comportement de nage ; ils sont au contraire tout à fait capables de nager continuellement à contre-courant et de manger normalement (Fu C, Cao ZD, Fu SJ. The effects of caudal fin amputation on metabolic interaction between digestion and locomotion in juveniles of three cyprinid fish species with different metabolic modes. Comp Biochem Physiol A : Mol Integr Physiol. 2013 ;164 :456–465), (Ellis T, Oidtmann B, St Hilaire S, Turnbull JF, North BP, MacIntyre CM, Nikolaidis J, Hoyle I, Kestin SC, Knowles TG. Fin erosion in farmed fish. In: Branson EJ, editor. Fish welfare, chapter 9. New York: Wiley; 2008). L’interprétation la plus plausible de ces observations est que les poissons ne modulent pas leur comportement à long terme afin de permettre la réparation des blessures. Cette conclusion basée sur l’observation des comportements du poisson est très cohérente avec le fait que les poissons ne ressentent pas de douleur, car ils n’ont pas les conditions anatomiques et physiologiques pour la ressentir.
Conclusion
La pêche de loisir en eau douce est organisée et déclinée par les structures associatives agréées qui sont des associations loi 1901. Elles sont reconnues d’utilité publique, agréées au titre du code de l’environnement et chargées par l’Etat de missions d’intérêt général relatives à :
• la gestion, la protection, la surveillance et la valorisation des milieux aquatiques et du patrimoine piscicole ;
• la sensibilisation à l’environnement et au développement durable.
La pêche est le SEUL loisir qui s’acquitte d’une taxe destinée à la préservation du milieu aquatique, et c’est aussi celui qui réinvestit volontairement le plus d’argent dans ce domaine. Remettre en cause la pêche de Loisir, et donc ses institutions, c’est revenir sur ces fondamentaux et, au final, mettre en péril nos écosystèmes (https://www.peche69.fr/4993-campagne-anti-peche.htm).
Le bien-être animal passe avant tout par la protection et la préservation des milieux naturels. Contrairement à ce que veulent nous faire croire les antispécistes, nous n’avons, avec les animaux sauvages, aucune relation individualisable a priori, mais un rapport à l’espèce, à leurs écosystèmes et à la biodiversité. Nos pêcheurs de loisir s’investissent pleinement dans la gestion des écosystèmes et des équilibres écologiques (qui sont de fait sous notre influence et responsabilité). A travers leur rôle incontestable de sentinelles des cours d’eau, ils contribuent aussi bien humainement que financièrement à la restauration des écosystèmes aquatiques. Les associations militantes de la cause animale viennent-elles prendre soin des cours d’eau pollués, asséchés ou perturbés ?
La pêche n’est pas et n’a probablement jamais été uniquement exercée à des fins alimentaires, mais elle est reconnue par l’ensemble de ses pratiquants comme loisir de pleine nature qui permet de se détendre, de se ressourcer, de découvrir son environnement et d’apprendre à l’aimer, à le protéger. Non, le pêcheur n’est pas un tortionnaire cruel et sanguinaire ! Luttons contre leur propagande diffamatoire et défendons nos valeurs (https://www.peche69.fr/4993-campagne-anti-peche.htm).
Dépourvue de fondement scientifique consensuel, l’action des antispécistes se résume à une série de convictions au service d’une forme d’idéologie radicale aujourd’hui transposée dans la sphère politique.
L’idéologie, explique Hannah Arendt dans Les origines du totalitarisme, c’est tout simplement « la logique d’une idée ». Il s’agit de partir d’une idée simple, d’une prémisse de départ (fût-elle fausse !) et d’en déduire une cascade de conséquences nécessaires. De plus, l’idéologie est ce qui permet, je la cite, de « tout expliquer jusqu’au moindre événement en le déduisant d’une seule prémisse ». C’est un principe d’explication, qui a une logique propre et qui n’a pas besoin de facteurs extérieurs pour avancer. Pratique, n’est-ce pas, quand on veut éliminer toute incertitude et toute critique ! A partir du moment où une idée se veut, ou est voulue, principe dogmatique d’explication du monde, elle engendre un système, une chaîne de causalité imparable, incontestable, implacable. Il n’y a plus ni échappatoire, ni imprévisibilité; et encore moins de contradiction possible.
En se cachant derrière la cause animale, le mouvement antispéciste s’inscrit dans une idéologie totalitaire qui prône un changement sociétal. Depuis plusieurs années, ils ont obtenu des moyens financiers croissants au service de propagandes anti-pêche, voire même de changements réglementaires locaux.
Ne nous y trompons pas, si le vif est interdit pour une raison d’ordre prétendument moral, alors la pêche de loisir dans son ensemble pourra l’être également : il s’agit dans les deux cas d’hameçonner des poissons. C’est le pilier de notre activité qui est ciblé par nos « ennemis ». Derrière l’apparence d’une campagne anodine contre une simple technique qu’ils déclarent barbare et désuète, se cache une offensive stratégique de destruction de la pêche dans son ensemble. Si d’autres pays ont interdit le vif en avançant des motifs biologiques (empêcher les introductions de pathogènes ou d’espèces exotiques), ici c’est une toute autre approche, idéologique (https://www.peche69.fr/4993-campagne-anti-peche.htm).
Ignorer les antispécistes, c’est leur laisser le champ libre pour imposer leurs idées liberticides. Pour nous, pêcheurs, un seul et même combat : que l’on pêche au vif ou non, que l’on pratique le No-Kill ou non, le bateau qu’ils torpillent est le seul que nous possédons. Si nous ne sommes pas solidaires, nous coulerons tous ensemble lentement, mais sûrement. Sortons du cercle vicieux de la culpabilisation qu’ils veulent imposer et qui nous pousse à lisser notre image toujours plus. Opposons-leur le bien-être que procure la reconnexion à la nature par la pêche à la ligne, le bonheur de transmettre aux générations futures des milieux aquatiques préservés avec des poissons en bonne santé (https://www.peche69.fr/4993-campagne-anti-peche.htm). Nous pêcheurs, membres d’AAPPMA, salariés des Fédérations vivons au quotidien la pêche dans cette incarnation du concret, du réel, de la préservation de l’environnement dans tous les territoires.
« Debout une canne à la main, baigné par l’air joyeux et soulevée dans l’espace infini, tous nos petits égoïsmes s’évanouissent. Dans la nature sauvage, au bord d’un cours d’eau ou d’un lac, je trouve quelque chose de plus cher et de plus primordial que les rues et les villages. A travers la tranquillité du paysage, et spécialement sur la ligne lointaine de l’horizon, l’homme contemple quelque chose d’aussi magnifique que sa propre nature. » (Ralph Waldo Emerson, La Nature).