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Sécheresse : pourquoi les seuils et petits barrages ne préservent pas la ressource en eau

11.08.2025 | Actualités, Environnement

En cette période de sécheresse et d’étiage sur les cours d’eau, nous souhaitions vous apportez quelques éléments d’éclairage sur l’effet plan d’eau créé par les ouvrages hydrauliques sur les cours d’eau et la quantité d’eau disponible. Quels sont les véritables effets de l’effacement de ces ouvrages sur la ressource en eau ?

« Seuils et barrages sont indispensables, car ils constituent une réserve d’eau en cas de sécheresse. » FAUX !

En période de sécheresse, l’eau stockée dans une retenue de seuil devient statique. Elle ne circule pas et représente un très faible volume en comparaison des masses d’eau retenues par les ouvrages conçus spécifiquement pour soutenir l’étiage, comme les grands lacs en amont de la Seine, de la Loire, de la Garonne…Elle ne peut donc servir à soutenir l’étiage. Il faudrait pour cela non seulement vider la retenue, ce qui serait très néfaste pour la vie aquatique, mais ce serait très largement insuffisant pour soutenir durablement les étiages. A la vue d’un miroir d’eau de niveau constant, on peut croire, en période de sécheresse, que la ressource en eau reste abondante. Qu’on peut continuer à la pomper, alors que le flux qui traverse la retenue est en fait extrêmement faible. Enfin, la température de l’eau dans les retenues, avec leurs vastes surfaces exposées au soleil, est plus élevée du fait de la stagnation de l’eau. Cela accentue le risque de développement excessif d’algues (eutrophisation) et l’évaporation intense, altère la qualité de l’eau et les conditions de la vie aquatique (baisse de l’oxygénation), accroît l’envasement des fonds (développement excessif de végétation) et fait perdre de l’eau précieuse en période de canicule. (Source Agence de l’eau Seine-Normandie sur la base d’un travail bibliographique de Nicolas Chevassus-au-Louis – Septembre 2018)

Un exemple caractéristique est le plan d’eau de Laromet en Gironde. Il s’agit d’une retenue qui s’est comblée de sédiments sur plus de la moitié de sa superficie. Elle est envahie par la jussie (plante exotique envahissante). Cette retenue entraine à son aval une surchauffe importante de la température de l’eau de la rivière Euille qui l’alimente (comme le montre le graphique ci-dessous avec des pointes à plus de 28°C en août 2023, sachant qu’une température de plus de 25°C est nocive pour les poissons.

Sécheresse et petits barrages
Comblement de la retenue de l’ouvrage de Laromet
Évolution de la température moyenne journalière mesurée dans l’Euille à l’aval de l’ouvrage de Laromet en 2023

« Si on supprime un ouvrage, il n’y aura plus assez d’eau en été » FAUX !

Une illusion de quantité

La quantité d’eau qui coule dans un cours d’eau est mesurée par le débit*. La morphologie d’un cours d’eau est façonnée par les conditions géomorphologiques et géologiques qu’il rencontre (nature du sol, pente, granulométrie du fond, etc). En amont d’un seuil, l’eau est retenue et s’accumule avant de déborder et de s’écouler à nouveau. A cet endroit, le niveau d’eau sera donc plus élevé et correspondra à la crête de l’ouvrage. En supprimant ce dernier, le cours d’eau retrouve sa morphologie d’origine dont un niveau d’eau naturel, forcément moins élevé. Mais le débit du cours d’eau, quant à lui, ne change pas.  En période de sècheresse par exemple, le soutien d’un débit dit d’étiage ne sera assuré que pendant quelques heures car la retenue d’un seuil ne constitue pas un volume suffisant. Pour soutenir les étiages dans la durée, les volumes nécessaires sont assurés par des ouvrages très importants (on parle de barrages) comme celui de Naussac par exemple, dans le bassin de la Loire, qui peut stocker 190 millions de m3 d’eau. A cela s’ajoute que plus un seuil est ancien, plus les sédiments se sont accumulés dans la retenue. Le volume d’eau s’en trouve d’autant plus diminué. (Source : Restauration de la continuité écologique des cours d’eau et des milieux aquatiques Idées reçues et préjugés Juillet 2014 – FNE et ONEMA) 

*Le débit d’un cours d’eau est le volume d’eau qui s’écoule en un point donné pendant un temps donné.

Retenue de l’ouvrage de Villandraut sur le Ciron  en 2009 (à gauche) et après l’effacement du barrage en 2015 (à droite)

La retenue du moulin du pont à Barsac sur le Ciron, avant ouverture des vannes (à gauche) et après ouverture des vannes en 2012 (à droite) – source : SMABVC

Une illusion de sécurité

Un débit d’étiage faible nous indique qu’une pénurie en eau est possible. Parfois, cette indication peut être masquée par la présence d’un petit barrage. Sa retenue d’eau donne l’impression que les volumes d’eau disponibles sont importants. L’effet miroir de la retenue semble inchangé, illusion de sécurité, alors que le débit de la rivière se réduit. L’eau semble toujours disponible nous incitant à continuer les prélèvements, créant ainsi une illusion de sécurité, alors qu’il faudrait les réduire. Or ce comportement impacte fortement sur les usages des populations situées en aval, qui ressentiront encore davantage les effets de la sécheresse. D’autre part, la retenue d’eau stocke de l’eau mais en évapore beaucoup, d’autant plus en période estivale. Sur une longue durée d’ensoleillement, plus la surface d’eau exposée est importante plus les pertes par évaporation sont significatives. (Source : Restauration de la continuité écologique des cours d’eau et des milieux aquatiques Idées reçues et préjugés Juillet 2014 – FNE et ONEMA)

Sécheresse sur le Seignal

Exemple sur le Seignal en Gironde en 2015 d’un ouvrage qui retient l’eau en amont sans maintenir un débit à l’aval

Enfin nous vous proposons cette vidéo qui explique synthétiquement tous ces éléments (partie de la vidéo entre 3,30 min à 4,20 min)