loader image

Comment vont les poissons des cours d’eaux girondins ?

14.02.2025 | Actualités, Environnement, Pêche

Les poissons sont des bio-indicateurs de nos cours d’eau

Les poissons sont reconnus comme étant des bio-indicateurs pertinents de la qualité des milieux aquatiques. En effet, la sensibilité de certains peuplements piscicoles permet d’observer tout changement survenu dans le milieu. Les variations d’abondance, de structure de peuplement ainsi que les données de présence/absence de certaines espèces de poissons renseignent sur la qualité du milieu dans lequel elles évoluent.

Le fait de suivre sur le long terme (tous les 3 ou 6 ans), un réseau dense de stations sur le département permet d’apprécier les éventuels changements environnementaux qui surviennent dans le milieu (notamment les problèmes liés à l’attractivité de ce dernier, de continuité écologique, de pollutions diverses ou encore d’assecs).

Poissons vairons

Légende photo : Le vairon est l’une des espèces de poissons les plus sensibles à la qualité de l’eau. Le schéma de droite rappelle tous les éléments à prendre en considération pour la répartition d’une espèce.

Utilisation d’indicateurs de qualité du milieu

Pour permettre l’évaluation de la qualité des cours d’eau, la fédération utilise des indicateurs normés, tel que l’Indice Poisson Rivière (IPR).

Cet indice permet de mesurer l’écart entre le peuplement observé par nos techniciens en pêche électrique sur un tronçon donné, et un peuplement théorique, soit un milieu peu ou pas modifié par l’homme. Sa valeur est répartie en 5 classes de qualité correspondant à une couleur.

Si la valeur de l’indice s’approche de 0, cela signifie que nous sommes sur un peuplement qui subit que très peu d’altérations anthropiques.

Résultats des inventaires poissons 2024

En 2024, ce sont 69 stations qui ont été suivies sur 22 bassins versants girondins (cartographie ci-jointe). Quelques exemples de cours d’eau :

  • Affluents de l’Estuaire : la Livenne et le Chenal du Guy.
  • Affluents de la Garonne : l’Euille, le Lubert/Gaillardon, le Saucats, la Bassanne, le Beuve et le Lisos.
  • Affluents de la Dordogne : l’Engranne, la Gamage, le Rieuvert, le Canal de St Jean de Blaignac.
  • Affluents de l’Isle : le Palais.
  • Affluents du Dropt : l’Andouille, le Dousset et le Ségur.

Cartographie des résultats IPR de 2024

Quatre exemples pour vous expliquer ces résultats IPR 2024

  • Depuis 2010, le bassin versant du Saucats présente des résultats IPR de bonne qualité sur quasiment l’ensemble de son linéaire. En effet, l’ensemble des espèces attendues sont observées (anguille, goujon, vairon, lamproie de planer, loche, chevesne, vandoise, chabot, voire du brochet sur les parties amont). Toutes ces populations sont très bien représentées en termes d’effectif, avec plusieurs générations (alevins et adultes).

Pourquoi la station aval présente un IPR de médiocre qualité ?

Pour plusieurs raisons :

  • Une densité trop importante de poissons dont très peu d’espèces attendues et observées sur les parties amont
  • Beaucoup d’espèces nuisibles (perche-soleil, poisson-chat…)
  • Un cours d’eau moins attractif (absence de ripisylve, cours d’eau chenalisé, substrat homogène), voir photos ci-jointe…
Photographie du Saucats en aval du moulin de l’église et sur la partie aval à Ayguemortes-les Graves. Le constat est saisissant entre un milieu hétérogène à gauche (herbiers, ripisylve, courant et granulométrie variée) et un milieu plus lenthique, chenalisé et dépourvu de ripisylve à droite.

  • Autre exemple pour mieux comprendre l’Indice Poisson Rivière, sur le bassin versant du Gaillardon/Lubert (affluent rive droite de la Garonne qui se situe dans le même secteur géographique que le Saucats, mais sur l’autre rive de la Garonne). Des IPR de moyenne ou de mauvaise qualité sont mesurés sauf sur le petit affluent, le ruisseau de la Soye.

Ces mauvais résultats sont dû essentiellement à l’absence d’espèces attendues, comme le vairon (quasiment plus observé sur ce contexte – sauf sur la Soye – ou encore la lamproie de planer). Les espèces présentes comme le goujon et la loche voire le chevesne présentent des effectifs parfois réduits sur certaines portions de ce cours d’eau. Tous ces éléments sanctionnent directement la qualité de la note IPR.

Pourquoi de tels résultats sur ce bassin versant ?

  • Problème de débit sur les parties amont, les assecs sont de plus en plus marqués en été, et les espèces ont donc du mal à s’y installer et à y rester.
  • La qualité de l’eau, notamment en dessous de la station d’épuration de Créon sur laquelle nous n’observons quasiment pas de poissons.
  • Des cours d’eau de moins en moins attractifs, avec de nombreux encombres naturels ou anthropiques empêchant la libre circulation des poissons et des sédiments.

  • Autre exemple, avec le ruisseau de la Gamage (affluent de la Dordogne) qui se situe à proximité du bassin versant de l’Engranne. Les notes IPR sont assez contrastées sur ces deux bassins versants. L’Engranne présente de bons résultats alors que la Gamage a plutôt des IPR moyens à médiocres selon les années.

Pourquoi de tels écarts entre deux bassins versant voisins ?

  • Sur l’Engranne, de très belles populations de vairons (espèce attendue) sont observées avec des densités naturelles importantes (jamais d’alevinage sur cette espèce). A contrario, le vairon n’a jamais été observé sur la Gamage à l’aval du lac de Blasimon (grosse population en amont du lac).
  • La présence de deux retenues collinaires sur la Gamage (lacs de Blasimon et de Mauriac) influence fortement la présence d’espèces lacustres sur ce ruisseau. A l’aval du lac on a une diversité de poissons très importante (carassin, carpe, brème, perche, black-bass) avec des populations ne présentant que très peu d’individus. Sans oublier les nuisibles qui sont omniprésents (perche soleil, poisson chat…)
  • L’altération de la qualité de l’eau et les étiages sévères sont aussi un frein à l’expansion des espèces attendues sur la Gamage.
  • La qualité hydromorphologique de la Gamage limite elle aussi la présence de certaines espèces. Elle est relativement lenthique et présente des substrats beaucoup moins biogènes…

  • Dernier exemple, avec le ruisseau du Palais qui se jette dans l’Isle sur la commune de St-Denis de Pile. Les IPR calculés depuis 2010 donnent uniquement des notes de moyenne ou de médiocre qualité comme ceux présentés sur la cartographie.
Photo du Palais prise en juin 2024, années très soutenues en pluie

Pourquoi de tels résultats ?

  • Des espèces attendues comme la lamproie (seulement 2 individus observés en 2018) et le vairon sont absents ou quasi-absents de ce bassin versant (jamais observé depuis 2010 voire depuis la fin des années 90).
  • Les autres espèces attendues sont observées comme le chevesne, le goujon, la loche ou encore la perche et le gardon sur les parties aval. Parmi ces populations seul le goujon présente des densités intéressantes avec plusieurs classes d’âges. Les quatre autres espèces ne sont pas représentées sur l’ensemble du bassin versant et elles ne sont constituées que de quelques individus (moins de 10), trop peu pour évaluer un bon état des populations.
  • Les assecs répétés sur une grosse partie du linéaire du cours d’eau bloquent la colonisation des espèces et leur pérennisation.
  • L’hydromorphologie altérée (hauteur d’eau et vitesse d’écoulement relativement faible et/ou homogène) ne correspond pas ou plus à la biologie des espèces attendues.

Les divers exemples cités ci-dessus mettent en évidence les différentes problématiques que subissent nos cours d’eau. Ceci se traduit directement sur la capacité d’accueil et sur l’attractivité de nos rivières pour les espèces piscicoles attendues en théorie et influence la note de l’Indicateur Poisson Rivière.

Focus sur un poisson : le barbeau fluviatile

Le barbeau est un poisson grégaire, vivant en banc dans le courant, proche du fond (espèce dite benthique). Il affectionne les rivières de plaine, assez larges, avec des eaux vives, fraîches et bien oxygénées. Il recherche des fonds rocheux, graveleux, caillouteux ou sableux. Les jeunes individus (moins d’1 an) préfèrent les zones peu profondes et avec peu de courant proches des berges, tandis que les individus adultes affectionnent les zones plus profondes au centre des cours d’eau. Il est également un poisson recherché par certains pêcheurs, car combatif.

Poissons barbeaux
Poissons barbeaux 3
Poissons barbeaux 2
Photo subaquatique du barbeau capturé sur le Ciron en 2022 à gauche / Barbeaux du Parc de Mussonville à Bègles capturés sur l’Eau Bourde ou Estey de Franc / Photo subaquatique d’un barbeau pris sur le Gât-Mort en 2021

Le barbeau est un poisson sensible aux changements morphologiques des cours d’eau (barrages, rectification…) ainsi qu’aux pollutions. Il constitue donc un indicateur de qualité de l’eau et des milieux. C’est une des raisons pour lesquelles il est souvent attendu dans le peuplement théorique de l’IPR sur notre département.

En Gironde, il est bien représenté aux abords de grands axes (Garonne et Dordogne) et sur des bassins versants comme le Ciron, qui a naturellement un fort potentiel par rapport à la biologie de cette espèce.

La cartographie nous montre l’évolution des captures sur cette espèce depuis 2010. Les données récentes montrent une légère amélioration de sa présence sur notre territoire. Par exemple, on note une forte évolution des captures sur le Ciron due aux efforts effectués par le syndicat sur l’effacement ou l’aménagement des ouvrages, permettant à l’espèce de remonter plus haut sur le bassin versant et d’avoir accès à plus de zones intéressantes (plus de zones courantogènes).

Toutefois, on note aussi quelques aléas sur de nombreux bassin versant de l’Entre-deux-mers notamment. Les données de l’association des Migrateurs des axes Garonne et Dordogne (MIGADO), mettent en évidence sur plusieurs bassins versant la présence de l’espèce uniquement sur les stations en aval des premiers ouvrages, soit ceux les plus proches des axes principaux Dordogne et Garonne. Au-delà, sur les parties amont de ces bassins versants, l’espèce est inexistante. Pourtant, des rivières auraient un bon potentiel d’accueil pour cette espèce, comme l’Engranne, la Durèze, l’Euille, voire le Gaillardon, le Gestas, la Canaudonne…

Autre constat, le barbeau n’est plus observé sur les inventaires récents sur le Moron alors que début des années 2010, il était bien présent sur le dernier tiers du bassin versant. La qualité hydromorphologique du Moron s’est dégradée, entrainant des zones moins courantogènes, un substrat très homogène (sable) et un lit mineur qui s’élargit au fil du temps laissant des hauteurs d’eaux relativement faibles en période estivale.

Photo du Moron au niveau de la station d’épuration de Pugnac. La lame d’eau est très faible (moins de 10 cm) pour une largeur dépassant les 5 mètres, et le substrat est essentiellement sableux

On continue les inventaires en 2025 !

La cartographie suivante vous donne les stations qui seront inventoriées en 2025 : bassins versants de la Jalle de Blanquefort, du Ciron, de la Leyre, de la Pimpine, de la Barbanne, de l’Eau Blanche, de l’Estey du Gua, du chenal du Guy, de la Craste de l’Eyron, Canal des Landes, de la Gravouse et les marais du Blayais

Si vous le souhaitez, vous pouvez contacter la Fédération pour participez et/ou échanger avec le service technique de la Fédération, vous êtes toutes et tous les bienvenus !!!

Cartographie des inventaires prévus en 2025