Retour sur les premiers résultats des suivis de la Fédération sur la productivité naturelle de différents types de frayères à brochets en Gironde. Et quelques explications de l’intérêt de ces données pour la gestion !
Quelques rappels :
Comme expliqué dans notre article de janvier dernier, l’évaluation et le suivi de l’état des populations de brochet sur un cours d’eau est difficile à obtenir à partir uniquement de pêches scientifiques, qui ne peuvent pas être réalisées sur l’ensemble du linéaire. Ainsi, une des techniques est d’identifier l’ensemble des zones de frayères existantes et d’évaluer à partir de la surface de reproduction (zone végétalisée) le nombre de brochets produits (et qui deviendront adultes) à l’échelle du bassin versant. Mais pour cela, il nous faut connaître ce que ces milieux sont capables de produire en brochets.
C’est pour cela que depuis 2019 nous suivons plusieurs milieux différents sur une période de 5 ans, sur le lac de Carcans-Hourtin, l’Isle, la Leyre, le Chenal du Gua et le Gât mort.
En effet, le fonctionnement des zones de reproduction sont différentes selon :
- Le type de milieu en présence (zone plutôt boisée comme une forêt alluviale ou peu boisée comme une prairie humide, qui limite ou non la pénétration de la lumière),
- Le types de support de ponte (végétation aquatique de pleine eau, graminée, bois…)
- Et/ou le fonctionnement hydrologique (naturel, dépendant de la gestion d’un ouvrage…).
Nous recherchons donc des milieux répondant à ces critères différents et qui sont le plus représentés (en termes de surface) à l’échelle des cours d’eau.
Ensuite concrètement le suivi se réalise en 2 étapes :
1ère étape (janvier à mars) : le suivi de la ponte (par recherche des œufs sur la végétation) pour savoir quand le brochet s’est reproduit sur la zone et évaluer à partir de la température de l’eau à quelle période les individus fixés à la végétation auront fini leur développement pour passer à a seconde étape.
2nde étape (mars à mai) : pose d’un enclos avec des filets non maillant (maille de 2 mm) sur environ 100 m² pour évaluer le nombre de brochets arrivant à maturité.
Les résultats obtenus à ce jour
Le graphique ci-dessous vous présente le nombre moyen de brochetons produits par les différents types de frayères suivis en Gironde et le compare aux données théoriques (issues d’études en France). Attention, pour certains sites, les résultats sont encore partiels car le suivi de 5 ans n’est pas terminé.
Ces résultats montrent :
- Globalement de fortes disparités selon les sites avec une très faible productivité mise en évidence pour les 3 années de suivi sur la prairie humide de l’Isle (1 brocheton pour 100 m²), alors que pour le boisement humide du lit majeur de la Leyre, elle atteint une valeur inattendue et plutôt élevée de 27 brochetons pour
100 m², soit supérieure à la théorie pour un marais aménagé (25 individus pour
100 m²).
- Pour les 2 années de suivi sur la tonne de chasse du chenal du Gua, les suivis des 2 dernières mettent en évidence pour le moment une productivité plutôt faible (15 individus/100 m²) par rapport à la théorie.
- Enfin pour le moment, mais seulement sur une année de recul, la productivité en brochetons de la zone humide du Gât Mort atteint une valeur de 36 individus pour 100 m², soit des valeurs supérieures à la théorie pour un marais aménagé (25 individus pour 100 m²) et proche d’un site géré de bonne qualité (50 individus pour 100 m²).
Ces résultats restent encore à confirmer et à compléter dans les années à venir.
Mais à quoi cela va nous servir concrètement ? :
- Mieux évaluer et suivre l’état de nos populations de brochets dans nos rivières et plans d’eau naturels.
- Apporter des éléments de gestion essentiels pour savoir les surfaces de frayères à préserver ou à restaurer pour maintenir une population viable, et donc de satisfaire les pêcheurs sans recourir aux repeuplements.
- Évaluer l’efficacité de projets de restauration ou d’aménagement et apporter des conseils techniques comme c’est le cas :
- Sur le site du Chenal du Gua qui devrait bénéficier d’une restauration par le Syndicat de la Pointe Médoc pour permettre aux brochets de mieux utiliser cette zone pour sa reproduction, et pour que le retour, dans le cours principal des individus nés sur la zone, soit amélioré.
- Sur le site du Gât mort : les résultats du suivi montrent l’intérêt majeur de la mise en place d’une passe à poissons par le Département de la Gironde sur l’ouvrage situé à l’aval de la frayère qui permet aux brochets du Gat Mort d’atteindre ces zones de reproduction favorables. De plus, le suivi de la zone humide par la Fédération permet d’apporter au Département des éléments clefs de gestion de niveaux d’eau de l’ouvrage pour que la reproduction du brochet soit optimale.
