Renaturation en cours de la partie aval de la Jalle de Castelnau

12.03.2024 | Actualités

Une rivière en partie basse du Médoc

Le bassin versant de la Jalle de Castelnau s’écoule à environ 20 km au nord de Bordeaux. Cette rivière prend sa source dans la lande de Sainte-Hélène. Son origine se perd à travers un chevelu de ruisseaux et de fossés (Carte 1) au sein d’une vaste zone forestière. En partie médiane, elle traverse des paysages urbanisés et agricoles, pour finalement poursuivre son cours dans les marais d’Arcins Soussans. C’est au niveau de cette zone qu’elle prend le nom de Jalle de Tiquetorte et finie par se jeter dans l’estuaire de la Gironde (Photo 1).

Carte 1 : Le réseau hydrographique de la Jalle de Castelnau et la zone du projet de renaturation (© SMBVJCC – PCM octobre 2023)
Photo 1 – Embouchure de la Jalle de Castelnau à la pleine mer (© Conservatoire du Littoral, 2018) (1)

Un peu d’histoire

L’étude Archéo-Géographique, commandée par le conservatoire du littoral, permet d’identifier les grandes étapes de l’assèchement du marais d’Arcins-Soussans. Avant que ce dernier ne commence à être asséché au milieu du XVIIIe siècle, la Jalle de Tiquetorte est un cours d’eau qui s’écoule au cœur du marais et y sinue. D’où son nom, qui vient de « artiguetorte », la jalle « torte » en patois, soit la jalle « tordue » (Carte 2 et Photo 2).

Mais l’époque est à l’exploitation du bois des forêts de Castelnau-de-Médoc et de Listrac. La volonté est alors de créer un canal navigable. Ce projet est abandonné au début de la crise révolutionnaire de 1789 et à nouveau envisagé à partir du milieu du XIXe siècle. Entre 1945 et 1950,  les aménagements portent sur le creusement de l’actuelle Jalle de Tiquetorte et la création du seuil de Tiquetorte.

Le syndicat des bassins versants de l’époque équipe le seuil d’un système de vannage en 1998. Ce dispositif doit permettre d’abaisser la ligne d’eau en période de crue et de limiter les phénomènes d’inondation autour des moulins situés en amont. L’ouvrage a aussi pour fonction de dériver une partie du débit de la Jalle Castelnau vers les douves du château Citran 

Le château Citran et ses douves
Le château Citran et ses douves

Un axe à réouvrir

A partir des années 2000, le Syndicat Mixte du Bassin Versant de la Jalle du Cartillon et de Castelnau (SMBVJCClance plusieurs projets visant la restauration de la continuité écologique sur la Jalle de Tiquetorte. En effet, le seuil de Tiquetorte, qualifié aussi de dessableur, présente, en basses comme en hautes eaux, une chute persistante (Photo 4). Cela le rend difficilement franchissable pour la faune piscicole. En amont de cet ouvrage, l’opportunité d’aménager la dérivation du moulin de Tiquetorte, obstacle périodiquement franchissable, se présente en 2017.

Favoriser la migration des espèces aquatiques comme l’anguille et les lamproies marine (Photo 5) et fluviatile est un des objectifs.

Le SMBVJCC accompagne les propriétaires du moulin dans cette opération. Une passe rustique et l’aménagement du bras sont entrepris dès octobre 2018 (Photos 6 et 7).

L’ouvrage à marée de Meyre, premier obstacle sur l’axe, est équipé de cales en bois depuis 2009. En 2023, un système de raidisseurs est installé. Ces derniers retardent la fermeture des portes à flots à marée haute et favorisent la pénétration des poissons (Photo 8).

Photo 8 – Les portes à flot équipées de raidisseurs en juin 2023 (© SMBVJCC)
Photo 8 – Les portes à flot équipées de raidisseurs en juin 2023 (© SMBVJCC)

Un projet de renaturation élaboré en concertation

Le SMBVJCC lance en 2019 une étude dont le seuil de Tiquetorte est au centre des préoccupations. Cependant, le projet est plus vaste. Il s’inscrit au cœur du marais d’Arcins-Soussans et d’un réseau hydrographique à la fois dense et artificialisé (Carte 3). Dès son origine, le projet est élaboré en concertation avec les riverains et les acteurs locaux. Les attentes et les contraintes sont intégrées.

Des constats

Il est clair que le seuil de Tiquetorte n’a plus d’utilité. Depuis plusieurs années, le chenal de dérivation situé en amont de sa rive droite est très ensablé. Aucun écoulement gravitaire ne rejoint le ruisseau du Maubrac qui alimente le château et le moulin de Citran. Au vu de son mauvais état structurel (Photo 9) il est décidé d’araser le seuil.

Photo 9 – Vue du seuil de Tiquetorte depuis l’aval : rupture du radier en enrochements bétonnés et érosion du lit mineur ( © SMBVJCC 22082023)

Il existe d’autres problèmes. D’une part, la Jalle de Castelnau a été recalibrée. Le lit de la rivière a depuis une section très rectiligne et très large sur la quasi-totalité du linéaire. L’écoulement est homogène, lent et peu propice au bon état écologique d’une rivière. Le lit est totalement ensablé (Photo 10).

Photo 10 – Tronçon rectiligne de la Jalle de Tiquetorte ( © SMBVJCC – 2009)

D’autre part, les cours d’eau du Marais d’Arcins-Soussans sont déconnectés de la partie supérieure du bassin versant. Or ils représentent près de 85 kml et s’inscrivent dans un écrin de biodiversité à préserver.

Des objectifs ambitieux

Le SMBVJCC porte le projet qui cible 3 objectifs (Cartes 3 & 4) :

– Améliorer la continuité écologique sur 2 km de Jalle, dans la continuité des opérations déjà menées entre les portes à flot et le bras de contournement du Moulin de Tiquetorte

– Renaturer la Jalle sur plus de 4 km en lui redonnant des caractéristiques d’un cours d’eau naturel et adaptées à son régime hydrologique;

– Rétablir les fonctionnalités écologiques et hydrauliques du marais en reconnectant notamment 53 hectares de zones humides (Carte 5).

Le lancement des travaux

En août 2023, le SMBVJCC lance l’opération de travaux (Photo 11). La Fédération et Aquabio sont chargés des pêches de sauvetage (Photo 12). Ces dernières s’étendent sur 7 journées afin de pouvoir couvrir près de 2 km de cours d’eau destinés à être asséchés.


Les travaux sont exécutés selon des méthodes de restauration par génie écologique. Ils portent sur 3 tronçons (Carte 4).

Les travaux sur le tronçon amont portent sur un tiers du linéaire prévu. Le reprofilage intégral de la Jalle par la mise en œuvre d’argile est achevé sur 1.2 km. Sur près de 500 m, des alternances de banquettes ainsi que la création de radiers et de petites fosses sont réalisées afin de diversifier les écoulements de la rivière. Les eaux de la Jalle sont dérivées vers le ruisseau du Maubrac sur près d’1.5 km, au sein de la propriété du Château Citran (Photo 13). A la mi-septembre, le seuil de Tiquetorte est démoli (Photos 14 & 15).

En novembre 2023, le méandrage de la Jalle prévu sur le tronçon médian est quasiment achevé. Il correspond à un nouveau lit mineur de la rivière de 730 m de long, acquis sur plus d’un hectare. Les contraintes latérales en rive droite sont supprimées afin de favoriser les débordements . (Photo 16).

Le tronçon le plus aval est achevé en novembre 2023. La Jalle de Tiquetorte y a retrouvé son cours historique sur 1,6 km (Photo 17).

Le chantier, prévu sur 4 mois, doit s’arrêter temporairement après 3 mois en raison de la montée des eaux et de la dégradation des conditions météorologiques (Photo 18).

Les travaux doivent reprendre en 2024 dès le retour des basses eaux.

Un suivi multi-compartiments (thermie, physico-chimie, biologie et dynamique du lit) initié en 2023 avec la Fédération doit permettre d’évaluer sur plusieurs années l’efficience des travaux réalisés.

Vue sur l’emplacement de l’ancien seuil de Tiquetorte en février 2024
Photo 20 – Vue sur l’emplacement de l’ancien seuil de Tiquetorte en février 2024 ( © SMBVJCC)

Les techniques de restauration mises en œuvre dans cette opération sont aussi des  Solutions d’Adaptation Fondées sur la Nature (SAFN). Elles doivent permettre de renforcer la résilience du territoire face au changement climatique.

Financements

Agence de l’Eau Adour Garonne
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Communauté de communes Médullienne
Médoc Estuaire
Carrière CEMEX d’Avensan
Département de la Gironde
SMBVJCC-LOGO-QUADRI
conservatoire du littoral
Agence Régionale de la Biodiversité Nouvelle Aquitaine