La connaissance et le suivi de nos cours d’eau est une donnée incontournable pour suivre et évaluer l’évolution de la qualité des masses d’eau. La Fédération Départementale de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de la Gironde a lancé en partenariat avec l’Agence de l’Eau Adour Garonne un vaste réseau de suivi « QUALITE » sur certains cours d’eau Girondins. Ce réseau évolue d’année en année afin de suivre l’ensemble des cours d’eau de Gironde, en collaboration avec le Département de la Gironde, qui réalise ces propres analyses, et les gestionnaires de bassins versants. Ci-dessous , les stations de ce réseau en 2023.
Pour permettre l’évaluation de la qualité des cours d’eau, la Fédération réalise des prélèvements d’eau, et utilise des indicateurs normés, tel que l’indice poisson rivière (IPR) et l’Indice Invertébrés Multi-Métriques (I2M2).
Suivi Physico chimique
Pour réaliser le suivi physico-chimique, nous nous rendons 4 fois par an sur la station, afin de mesurer les paramètres principaux (Température, oxygène, pH et conductivité) à l’aide d’une sonde. Nous prélevons ensuite plusieurs flacons d’eau, qui sont envoyés en laboratoire pour faire des analyses complémentaires.
Suivi Poisson avec le calcul de l’Indice poisson rivière (IPR)
L’IPR permet de mesurer l’écart entre le peuplement observé sur une portion de cours d’eau, et le peuplement de référence ou théorique, c’est-à-dire dans des conditions peu ou pas modifiées par l’homme. Sa valeur est répartie en 5 classes de qualité :
Plus on est proche de 0, plus on se rapproche du peuplement théorique et d’un peuplement ne subissant que très peu d’altérations anthropiques.
Suivi de Macro-invertébrés aquatiques avec l’I2M2
L’I2M2 permet de comparer le peuplement observé en invertébrés (surtout des larves d’insectes) avec le peuplement de référence pour un cours d’eau équivalent sans perturbations. La note obtenue varie entre 0 et 1, plus le peuplement observé est bon, plus l’I2M2 tend vers 1.
« Résultats globaux 2023 »
Pour présenter les résultats, les couleurs suivantes sont utilisées par convention :
Les seuils entre ces différents états sont fixés par un arrêté national.
Physico-chimie
En ce qui concerne les résultats obtenus en 2023 sur ces stations, on constate que le paramètre le plus déclassant et le plus inquiétant est le taux d’oxygène dans l’eau, qui était souvent en dessous des valeurs critiques durant l’été (Barboue, Ségur, Dousset, Calupeyre, Chenal de Guy). En effet la température élevée de l’eau (en lien avec les faibles débits) ne permet pas une bonne oxygénation, ce qui est très préjudiciable pour l’ensemble de la faune aquatique à cette période. Deux de ces cours d’eau (Dousset et Barboue), n’ont d’ailleurs pas pu être prélevés en période estivale car en assec complet.
IPR
Si l’on compare les données de 2023 avec celles de 2020, nous observons que :
- 85 % des résultats n’ont pas changé de qualité d’IPR et l’on retrouve globalement les mêmes espèces sur les stations.
- 10 % des stations où l’IPR s’est détérioré (absence d’espèce attendue en théorie).
- Seulement 5 % des stations où l’IPR s’est amélioré (meilleure densité de population).
I2M2
Sur les 19 stations suivies en 2023 par la Fédération, 11 présentent un état écologique mauvais, 4 un état écologique médiocre et 3 un état écologique moyen. Seule la Paillasse, à Belin-Beliet est classée en « Très bon état écologique ». C’est un très mauvais résultat pour cette année, qui semble pouvoir s’expliquer par l’impact de la sécheresse très marquée de 2022, qui a durablement impacté les peuplements de macro-invertébrés aquatiques.
« Focus sur le ruisseau de la Louise (affluent de la Jalle de Castelnau) »
La Jalle de Castelnau est un cours d’eau de type landais qui prend sa source sur la commune de Sainte Hélène et rejoint l’estuaire de la Gironde en rive gauche, en aval de Margaux après avoir parcouru près de 17 Km. Le bassin versant de la Jalle de Castelnau couvre une superficie de 162,5 km². L’occupation du sol est majoritairement composée de forêt (sylviculture – pins).
Le bassin versant est divisé en deux, avec des secteurs forestiers sur la partie amont avec des cours d’eaux peu impactés par l’homme et riches en habitats biogènes. A l’aval, on retrouve un cours d’eau plus chenalisé avec des zones de marais en lit majeur. Les habitats biogènes sont beaucoup moins présents, et les secteurs sont relativement lentiques.
En 2023, la Fédération a réalisé un suivi « complet » sur la Louise, avec prélèvements d’eau, pêche électrique et analyse I2M2. Cet affluent rive gauche de la Jalle Castelnau qui se jette dans le marais d’Arcins-Soussans, traverse des secteurs d’abord forestiers, puis plus urbanisés at agricoles (vignobles) et présente des caractéristiques hydromorphologiques (vitesse d’écoulement, hauteurs d’eau) hétérogènes avec des substrats cohérents avec le peuplement de référence attendu sur ce contexte.
Suivi Physico-chimique
Les paramètres physico-chimiques sur la Louise en 2023, présentés dans le tableau ci-dessus sont plutôt bons. Les dépassements en nutriments (Nitrites, Nitrates, Phosphore…) sont plutôt limités. Surtout, contrairement à d’autres cours d’eau suivis très impactés par les températures chaudes de cet été, la Louise est restée fraîche (18°C relevé le 24/07/2023) et relativement bien oxygénée (75,8% d’O2 au plus bas le 21/09/2023). Seule une valeur anormalement haute en Carbone organique dissous (14mg/l) a été observée le 23/03/2023.
L’état physico-chimique de la Louise semble donc plutôt bon. Il convient cependant de rappeler que ces résultats sont obtenus grâce à des mesures ponctuelles, qui peuvent ne pas toujours refléter la réalité des paramètres physico-chimiques tout au long de l’année. Ainsi, sur un cours d’eau voisin, la Cabaleyre, sur lequel la Fédération suit un enregistreur de température (relevé horaire), la température maximale observée a été de 29°C dans l’eau, ce qui a dû entrainer de très fortes difficultés pour la faune aquatique.
Suivi poissons
Le peuplement de référence attendu est constitué de l’anguille, du brochet aquitain, du goujon du languedoc, de la loche de Quignard, de la lamproie de Planer, du vairon de la Garonne et du chabot fluviatile.
Le tableau suivant vous présente les données poissons récoltées sur la station en 2023.
Au vu des résultats 2023, 6 espèces sur 8 du peuplement de référence sont retrouvées sur cet inventaire. Les brochets capturés sont des individus issus de la reproduction annuelle de l’hiver 2022-2023 (taille n’excédant pas les 13 cm). Le goujon, la lamproie (probablement lamproie de Planer) et le chabot, présentent des populations structurées (plusieurs générations) et renouvelées (présence de géniteurs et de juvéniles), attestant que ces populations sont en bonne santé. Pour la vandoise rostrée, seulement 6 individus ont été capturés, tous issus de la reproduction printanière. Etonnamment, aucun géniteur n’a été observé, qui doivent sans doute se réfugier en période d’étiage dans la Jalle de Castelnau.
Pour l’anguille, 23 individus ont été capturés et la population semble dynamique avec la présence de 14 individus de l’année (taille < 12 cm), de 6 individus en cours de colonisation (< 30 cm) et de 3 individus sédentaires (> 30 cm).
Si l’on compare les données 2023 de cette station avec les années précédentes (2015 et 2020), la diversité piscicole est passée de 11 espèces en 2015 à 9 en 2020 et 2023. Les absences les plus marquantes sont celles du vairon, de la loche et du flet en 2023 (tous observés en 2015 et 2020). Concernant les espèces présentes, les densités varient et sont fonction des conditions de reproduction de chacune d’elle (exemple du brochet avec 3 captures en 2015, 9 en 2020 et 3 en 2023).
Concernant l’indicateur Poisson rivière, il passe de bonne qualité en 2015 et 2020 à moyenne qualité en 2023, essentiellement dû à l’absence conjuguée du vairon et de la loche.
Suivi Macro-invertébrés
Comme pour de nombreux cours d’eau en Gironde cette année, la note obtenue suite à l’analyse des prélèvements se dégrade très légèrement en 2023. La diversité comme l’abondance en invertébrés baisse, ce qui entraine le classement en qualité médiocre pour cet indicateur. Cependant, l’I2M2 est composée de 5 différentes métriques, dont une, l’ASPT, est directement impactée par la qualité de l’eau. Hors cette métrique reste assez haute pour l’instant. Il se pourrait que l’été 2022 particulièrement chaud et sec ait eu un impact sur la composition du peuplement en 2023, entrainant cette légère dégradation, mais que la qualité correcte de l’eau permette à ces invertébrés de coloniser à nouveau le cours d’eau dans les années qui viennent. La Louise sera encore suivie en 2024 pour confirmer ou non cette hypothèse.
L’information en plus : « Nouvelle espèce « poissons » retrouvée en Gironde sur le ruisseau du Brion »
Le réseau de suivi sert aussi à mieux connaître les peuplements piscicoles et à suivre leurs évolutions. Ainsi, le Spirlin fait son apparition sur les résultats des inventaires 2023. Jamais capturé jusque-là par nos services, on le retrouve pour la première fois sur le ruisseau du Brion, sur la commune de Langon, non loin de la confluence avec la Garonne avec trois individus capturés.
Ce poisson à l’allure de la brème au jeune stade ou de l’ablette (gros œil et bouche incurvée vers le haut), est facilement identifiable par la ligne latérale soulignée par une double rangée de points noirs. Sa taille n’excède pas les 16 cm maximum (moyenne établie à 12 cm).
Espèce autochtone dans l’Est de la France, elle commence à gagner l’ouest par le biais de grands axes comme la Garonne. Cette espèce, déjà observée sur la Garonne chez nos voisins du Lot-et-Garonne, ou encore sur la Charente ou sur l’Isle en Dordogne, est maintenant retrouvée à l’Est de notre département. Le spirlin fréquente les eaux courantogènes (rhéophiles) et peu profondes de la zone à barbeau, et il vit en banc (comportement grégaire). Sa reproduction printanière se réalise sur des substrats graveleux ou caillouteux (de 2 à 15 cm de diamètre) auxquels ils adhèrent (espèce lithophile). L’aspect courantogène entre les interstices graveleux des lieux de ponte est directement lié à la réussite de la ponte (le colmatage sur substrat par les sédiments fins est un facteur limitant). Les inventaires 2024, sur les bassins versant voisin du Brion (le Lisos, la Bassanne et le Beuve), nous permettront peut-être de rencontrer à nouveau cette espèce, qui est un bon indicateur biologique des eaux de par ses exigences pour sa reproduction, et de par sa fréquentation des eaux courantogènes.