Après un état des lieux de la faune piscicole réalisé par la Fédération des AAPPMA de la Gironde en 2012 et plusieurs années de travaux de restauration hydraulique menée par l’Office National des Forêts (ONF), sur la Réserve Naturelle Nationale (RNN) des Dunes et Marais d’Hourtin, un ouvrage a été mis en place en 2022 permettant de gérer les niveaux d’eau tout en assurant le passage des poissons. Afin d’évaluer l’efficacité de cet aménagement, un suivi piscicole a été réalisé avant et après son installation par la Fédération, respectivement en 2020 et 2024. Les principaux résultats vous sont présentés ici.
Quelques rappels
Localisation de la zone étudiée
La RNN des Dunes et marais d’Hourtin est en partie située au Nord du lac de Carcans-Hourtin, au-dessus de la lagune des Grandes Layres. La partie « marais » de cette réserve accueille une faune et une flore riches et diversifiées. L’ONF, gestionnaire du site, met en place des actions de gestion et de conservation du site afin de préserver la faune et la flore, dont certains poissons.
Origine du projet
En 2012, la Fédération a confirmé que le marais de la RNN joue un rôle important, puisqu’il est utilisé par le brochet pour sa reproduction et par l’anguille pour sa croissance.
Enfin, les relevés avaient mis en évidence une séparation entre le lac de Carcans-Hourtin et la Réserve au niveau de la digue Titouan. Seule une buse traversait cette digue qui limitait très fortement la circulation du poisson et ne permettait pas de maintenir correctement des niveaux d’eau stables sur la Réserve. Le brochet, et les espèces qui l’accompagnaient (cyprinidés, perche…), ne pouvaient donc pas utiliser ce marais de manière optimum pour se reproduire dans de bonnes conditions.
Pour améliorer la situation, la Fédération et la Réserve ont souhaité remplacer la buse par un ouvrage spécifique.
Pour cela, et avec l’aide d’un bureau d’étude spécialisé (Egis Eau), il a été proposé de créer un ouvrage « en entonnoir », composé d’un bassin central modulable grâce à des planches amovibles qui permettent de gérer les niveaux d’eau dans la Réserve tout en assurant le passage des poissons :
- Pour entrer dans la Réserve, les poissons pourront utiliser l’ouvrage en franchissant les 2 petites chutes successives. Un poisson arrivant de la lagune des Grandes Layres franchira la 1ère chute, pourra se reposer dans le bassin, puis pourra prendre son élan et franchir la 2nde chute.
- Pour sortir la Réserve, le poisson empruntera simplement les 2 chutes successives.
L’ouvrage a été pensé pour permettre principalement au brochet d’accéder à ces zones de reproduction : des femelles mesurant jusqu’à 1 m pourront franchir cet ouvrage.
Au-delà de la circulation des poissons, cet ouvrage permet à la Réserve d’améliorer sa gestion des niveaux d’eau :
- En hiver et au début du printemps, les planches permettront de retenir l’eau pour maintenir un niveau d’eau suffisant et stable.
- A partir du mois de mai, l’eau sera doucement évacuée du marais pour permettre le développement de la végétation et le retour des poissons nés dans la Réserve, vers la lagune des Layres et le lac de Carcans Hourtin.
Le suivi piscicole
Objectifs du suivi
Ils sont de mettre en évidence :
- Le passage (montaison) de géniteurs de brochets en période de migration, soit entre février et mars (sens lagune des Layres vers lagune d’Emilie),
- La dévalaison de brochetons nés dans la lagune d’Emilie (suite à la montaison hivernale des géniteurs), entre avril et mai (sens lagune d’Emilie vers lagune des Layres),
- La diversité des espèces circulant dans l’ouvrage.
A noter que l’état initial avait été réalisé aux mêmes périodes en 2020.
Comment ?
A l’aide d’engin passif (verveux) et d’un système de capture adapté à l’ouvrage, un suivi en continu de la circulation des poissons a été réalisé sur un mois, entre février et mars et entre avril et mai en 2020 et 2024.
Les principaux résultats
Au niveau des espèces observées
Les différences majoritaires suivantes sont observées avant (2020) et après aménagement (2024) :
- En hiver (montaison), un peu plus de 2 fois moins d’espèces ont été observées entre 2020 et 2024 avec l’absence d’observation après aménagement de l’anguille, de la brême commune, du brochet (commun ou indéterminé), du chevesne, de la gambusie de l’Est, de la perche commune, du silure (et du poisson chat).
- Au printemps (dévalaison), 3 espèces supplémentaires ont été contactées au total entre 2020 et 2024. Les seules différences résident dans :
- L’observation après aménagement de brochet (commun et indéterminé), de carassin argenté, de grémille et d’ide mélanote (originaires de l’Europe Centrale), non observés avant aménagement.
- La non observation de la tanche après aménagement (par rapport à l’état initial en 2020).
Zoom au niveau du brochet et de l’anguille
En 2020 à la montaison (hiver), le brochet commun capturé était une femelle de 680 mm qui présentait des œufs dans l’abdomen. En 2024 après aménagement et à la dévalaison (printemps), 2 individus adultes (brochet commun et indéterminé) ont été observés (295 mm et 402 mm).
Comme en 2020, des anguilles entre 160 et 240 mm ont été observés après aménagement à la dévalaison (printemps). Aucun individu de plus de 300 mm ont été observés après aménagement à la dévalaison contrairement à 2020, où une anguille argentée (adulte reproducteur) de 358 mm avait été contactée.
Au niveau des quantités
Au total ce sont :
- A la montaison (hiver) : 280 individus comptabilisés (4362 g) après aménagement contre 1169 individus avant aménagement (13 434 g en biomasse).
- A la dévalaison (printemps) : 823 individus comptabilisés (27 522 g) après aménagement contre 7197 individus avant aménagement (95 124 g en biomasse).
Quelles perspectives ?
Que ce soit avant ou après aménagement de l’ouvrage, la diversité piscicole circulant sur la zone reste importante, avec jusqu’à 13 espèces piscicoles différentes contactées au printemps.
Comparativement à 2020 avant aménagement :
- Le suivi de la montaison de géniteurs de brochets en période de reproduction (hiver) n’a pas permis de mettre en évidence leurs passages à travers l’ouvrage mis en place. De plus, à cette même période par rapport à 2020, un peu plus de 2 fois moins d’espèces ont été observées en 2024 avec l’absence d’observation après aménagement notamment de l’anguille, de la brême commune, du brochet (commun ou indéterminé), du chevesne et de la perche commune, entrainant donc la capture de 889 individus en moins.
- Le suivi de la dévalaison de juvéniles de brochets nés dans la lagune d’Emilie n’a pas permis de mettre en évidence leur passage via l’ouvrage. Cependant, alors qu’en 2020 aucun brochet n’avait été contacté à la dévalaison, 2 adultes ont été observés en 2024 qui devaient sans doute quitter leur zone de reproduction de la lagune d’Emilie, pour rejoindre la lagune des Layres voir le lac de Carcans-Hourtin.
Ces observations s’expliquent sans doute par les niveaux d’eau très élevés lors du suivi, diminuant l’efficacité des systèmes de capture. De plus, ces résultats ont permis de mettre en évidence l’importance de gérer l’ouverture de l’ouvrage, selon les conditions climatiques, pour améliorer sa franchissabilité à la montaison et à la dévalaison.